Wednesday, February 25, 2009

*Valérie Pécresse répond aux questions de Nicolas Demorand, de Sophie Bécherel et des auditeurs dans le 7/10 de France Inter...*

***Valérie Pécresse répond aux questions de Nicolas Demorand, de Sophie Bécherel et des auditeurs dans le 7/10 de France Inter à 8h40. Le 24 février 2009.


***Deux universitaires ont décidé de mettre en pratique l’idée de Nicolas Sarkozy et de François Fillon d’évaluer le travail des ministres. Voici leur rapport, envoyé à Matignon, sur l’exercice oral de la ministre :

EVALUATION DE LA PERFORMANCE DE MME PECRESSE MARDI 24 FEVRIER SUR FRANCE INTER (8h20 : L’INVITE D’INTER + INTERACTIV’)

Par Eric DUFOUR et Christophe MILESCHI

Le premier ministre F. Fillon avait, sous l’impulsion du Président Sarkozy, évoqué l’idée d’une évaluation des ministres. Que cette idée soit restée lettre morte n’est guère étonnant. Nous tenons toutefois à la mettre en application. Etant donné que notre ministre se plaint de ce que nous ne serions pas évalués, alors que ce n’est pas le cas et que nous, enseignants, ne refusons nullement une évaluation à laquelle nous sommes de fait soumis (toute la question étant de savoir qui évalue et comment), nous nous proposons d’évaluer systématiquement les interventions de notre ministre, Mme Pécresse. Cette évaluation permet d’exercer un contre-pouvoir et de mettre en évidence la manière dont Mme Pécresse exerce son ministère.

On savait que Mme Pécresse se faisait rare depuis le chaleureux accueil qu’elle a reçu à Strasbourg le 5 février 2009. Elle a décommandé tous les débats publics qui devaient l’opposer à Roger Karoutchi pour les primaires en Ile-de-France, et a même préféré ne pas se rendre à la Cité des sciences lundi 23 février 2009 au matin, alors que sa présence était prévue et attendue au colloque sur les ANR blancs, sans doute par crainte des « preuves d’amour » que nous, personnels et étudiants de l’Université, pourrions lui témoigner…
C’est dire si la performance de Mme Pécresse ce matin, où elle s’est produite afin de se faire entendre mais sans toutefois être confrontée à un vrai public, était décisive.

On aurait pu attendre – on attendait de la part de Mme Pécresse un peu de clarté sur la situation. Face à une mobilisation sans aucun précédent dans l’histoire de l’Université française, qui dure depuis un mois et réunit autour d’un même but et au-delà des clivages politiques traditionnels (l’opposition droite-gauche) tous ceux qui travaillent à l’université (biatos, étudiants, enseignants), on attendait des réponses.

I. La question du décret sur le statut des enseignants chercheurs.

On attendait d’autant plus des réponses claires que le journaliste qui interviewe Mme Pécresse, NicolasManifestation_paris_19_fevrier_refo Demorand, essaie de poser des questions précises qui appellent des réponses qui le sont tout autant. Tel Socrate essayant de faire parler son interlocuteur, il aura toutefois de la peine à obtenir des réponses aux questions qu’il pose, et l’accouchement, pour Mme Pécresse, va être difficile et mettre au monde des « monstres morts nés » (comme on dit chez Platon).
Aux questions répétées et insistantes de N. Demorand sur le décret, Mme Pécresse finit par dire, mais avec quelle difficulté (et elle n’ira pas plus loin) que le décret sera soumis au Conseil d’Etat lorsque la médiatrice aura fini son travail de réécriture. Elle insiste sur le fait que le débat sur l’autonomie est derrière nous, puisque déjà 20 universités jouissent de cette autonomie, laquelle est d’ailleurs ce vers quoi va l’université sur le plan mondial. C’est important car cette autonomie est ce qui donne aux universités la liberté, l’initiative, la responsabilité (sic).

Bref, l’autonomie, c’est fait et on ne peut pas revenir en arrière : « allez leur dire [aux 20 universités déjà autonomes] que vous leur retirez leur nouvelle liberté ! » (c’est nous qui soulignons). Comme d’habitude, Mme Pécresse assimile la loi sur l’autonomie des universités (dite LRU), donc l’autonomie au sens politique et économique du terme, avec la liberté au sens spirituel et métaphysique du terme (responsabilité, initiative, possibilité du choix). Or, c’est ce parti pris idéologique qui se trouve contesté par les membres de la communauté universitaire, qui pensent que le projet de décret, à titre d’application de la loi d’autonomie, au contraire, restreint les possibles de l’enseignant chercheur, donc une liberté qui fut jusqu’ici garantie par son statut de fonctionnaire c’est-à-dire par une gestion nationale des enseignants, pour le subordonner à un Président d’Université promu manager d’un établissement assimilé à une entreprise et où il est fort à craindre que la recherche désintéressée disparaisse sur l’hôtel de l’efficacité et de la rentabilité.

Bref, le décret qui sera présenté devant le Conseil d’Etat, s’il n’est certes pas le projet de décret actuel qui a suscité la protestation des enseignants, sera toutefois une réécriture du premier projet à l’aune des trois grands principes énoncés par le Président de la République : l’autonomie des universités, l’évaluation des enseignants chercheurs, mais aussi plus de souplesse, de transparence et d’équité (sic). Ce qu’on ne sait toujours pas, du coup, c’est si ce nouveau texte est pensé comme radicalement différent du premier : Mme Pécresse a absolument refusé de répondre à la question de M. Demorand qui lui demande à la fin de l’émission : « alors, on efface le texte du décret et on repart à zéro ? » Lorsque Mme Pécresse répète : « on repart [elle refuse d’ajouter : à zéro, ou : à partir d’une page blanche] à partir des principes fondateurs : évaluation, autonomie, souplesse, transparence », répétant littéralement ce qu’elle avait dit 50 minutes auparavant, on peut craindre, puisqu’on ne sait proprement rien, que la réécriture du décret n’apporte que des modifications cosmétiques au texte existant.

Il y a bien l’indice d’un changement (du moins à notre sens) dans le discours de Mme Pécresse. Lorsqu’elle souligne que la situation actuelle est intenable, et qu’il faut donc réformer le statut des enseignants chercheurs (ce que personne ne conteste, toute la question étant de savoir comment), Mme Pécresse s’indigne du fait qu’« il y a 50% de promotion locale dans les universités ; où est la transparence, où est l’évaluation de cette décision ? » Une telle remarque est incompréhensible dans la bouche de Mme Pécresse : faut-il rappeler que le projet de décret que nous refusons proposait, dans sa première version, que toutes les promotions soient locales et qu’elles soient distribuées par le conseil d’administration ?

Faut il rappeler que, dans ce texte (et c’est ce qui a suscité l’indignation des enseignants), le rôle du C.N.U., la seule instance nationale qui puisse proprement évaluer l’activité de recherche d’une enseignant, n’était plus que consultatif ? A notre connaissance, toutes les modifications qui ont pour l’instant été apportées en reste à ce rôle consultatif du Conseil National des Universités (C.N.U.).
Sur tous ces points, nous renvoyons à l’analyse par M. Beaud du texte du décret (sur le site de Sauvons l’Université).

Bref, que veut donc dire Mme Pécresse qui semble ici souscrire à une thèse qu’elle refusait auparavant ? On sait bien que le projet du député U.M.P. Fasquelle, qui s’est opposé frontalement au projet de décret Pécresse et a proposé un contre-texte (ou un contre-projet), qu’on trouve également sur le net, propose que l’évaluation des chercheurs (contre le projet Pécresse) soit en partie nationale c’est-à-dire 2 l’oeuvre du C.N.U. S’agirait-il d’un ralliement par Pécresse aux propositions de Fasquelle ? La seule chose qu’on peut constater, c’est que le projet de décret sur le statut des enseignants chercheurs gagne de plus en plus en indétermination, et que Mme Pécresse semble ne plus savoir ce qu’il faut mettre derrière des mots qu’elle assène comme des slogans : « utonomie », «évaluation !», «transparence».

Dire le mot tient lieu d’idée et de développement…

La seule chose que sait dire Mme Pécresse, ce sont des généralités plates qui constituent comme une petite ritournelle qu’elle connaît par coeur. Lorsque M. Demorand, qui y va bille en tête, lui demande pourquoi les chercheurs sont dans la rue puisqu’elle veut seulement leur donner la liberté, elle répond que toute réforme suscite des inquiétudes chez ceux dont on veut réformer le statut, se faisant passer pour une progressiste face à des affreux réactionnaires. Nous le répétons : nous voulons, nous souhaitons des réformes, mais des réformes pensées et concertées, non pas des projets informes qu’on nous impose en vertu du libéralisme et de la destruction des services publics au nom d’une prétendue mondialisation.

II. Le CNRS

Mme Pécresse en appelle tout le temps au dialogue : « La seule issue, c’est le dialogue », dit-elle à M. Demorand qui lui demande si elle compte imposer ses réformes contre le personnel. Qu’est-ce que le dialogue pour Mme Pécresse ?
Déjà son interview par Jean-Pierre Elkabbach le 3 février 2009 était remarquable à cet égard. Celle de Nicolas Demorand confirme que Mme Pécresse a une curieuse conception du dialogue. Lorsque l’auditrice Mireille, de Dordogne, demande si le but visé est de «démanteler le C.N.R.S», Mme Pécresse annonce : "Je crois que c’est une très bonne question qui me permet de faire une réponse très claire ».

Mais la clarté attendue n’advient qu’à moitié : « Nous n’avons pas pour objectif de démanteler le C.N.R.S » (donc Mme Pécresse répond à la question : on a vu et on verra à nouveau que ce n’est pas souvent le cas), « il y a eu un plan stratégique du C.N.R.S. qui a été adopté en juin dernier » (c’est précisément ce que Mireille, de Dordogne, appelle le démantèlement du C.N.R.S.) ; « ce plan stratégique va être appliqué, c’est la volonté du gouvernement » (bref, on va démanteler le C.N.R.S.). Plus tard, Mme Pécresse dira : « j’ai écrit à tous les chercheurs du C.N.R.S. pour leur dire que le plan stratégique serait appliqué ».

Ce qui est remarquable, ce n’est pas tant que Mme Pécresse ne cherche même pas à montrer que cette « stratégie » de réorganisation n’est pas un démantèlement, ce qui est pourtant ce que demandait Mireille. C’est sa manière d’insister, exactement comme M. Darcos le 12 février 2009 sur R.M.C. (« Je suis recruteur. Je définis les concours dont j’ai besoin (…). Après, chacun nous suit, ou pas »), sur le fait que ce sera comme ça et pas autrement.

Bref, le dialogue, selon Mme Pécresse, c’est l’art de la pédagogie, comme elle l’a encore répété ce matin : c’est-à-dire l’explication à des demeurés sourds et aveugles (voir l’interview par Jean-Pierre Elkabbach) de quelque chose qu’ils ne peuvent contester que parce qu’ils n’ont pas compris que c’est bien pour eux. La réforme des concours ? « c’est une bonne réforme, et tout le monde le dit », affirme-t-elle sur un ton péremptoire : Nicolas Demorand remarque toutefois : « sauf ceux qui sont dans la rue… » Mais ceux-là, ils ne savent pas ce qu’ils font ! De même, elle affirme également que « tout le monde est pour l’autonomie » !

Bref, Mme Pécresse veut bien dialoguer, mais avec quelqu’un qui soit bienveillant c’est-àdire prêt au dialogue. Donc, qui sont les interlocuteurs « prêts au dialogue » selon Mme Pécresse ? Tout simplement ceux qui soutiennent la légitimité des réformes qu’elle propose. La curieuse conception du dialogue de Mme Pécresse apparaît également quand on lui pose les questions qui fâchent. Nicolas Demorand lui demande si le discours de M. Sarkozy sur les chercheurs qui ne cherchent pas et sont simplement dans leurs laboratoires « parce que c’est chauffé et qu’il y a de la lumière » n’a pas été une erreur.

La question est claire, la réponse ne le sera pas : « je crois qu’on a fait dire à ce discours ce qu’il ne disait pas ». Nicolas Demorand souligne que le discours de M. Sarkozy est sur le net (Mme Pécresse, on reviendra sur ce point, ignore que les faits sont têtus).
Nicolas Demorand répète sa question, littéralement. Et Mme Pécresse se met à parler d’autre chose : « dire que le Président de la République ne met pas au coeur du projet national l’enseignement supérieur et la recherche, c’est une accusation totalement injuste. Quel est le Président de la République qui a donné 5 milliards d’euros pour faire des campus ? »

Nicolas Demorand pose pour la troisième fois sa question. Mme Pécresse de dire alors qu’il faut examiner les actes et non pas les paroles et que, en outre, « dans le discours du Président de la République, il y avait aussi un mea culpa vis-à-vis de la réforme du système », formule qui n’a aucun sens, et qui en a d’autant moins que le Président n’a fait aucun mea culpa d’aucun ordre que ce soit, ce qu’il faut donc camoufler dans un discours incompréhensible et donc inattaquable ! Mme Pécresse ajoute donc : « il y avait un mea culpa du Président sur le système que nous avons laissé perdurer, où ils [les chercheurs] n’avaient pas la liberté de prendre des initiatives, avec un système trop complexe, trop morcelé ». Avec Mme Pécresse, le dialogue n’est possible qu’à la condition de ne pas vouloir être entendu et de ne pas espérer de réponse.

III. La question des budgets .

Mme Pécresse a beau nier lorsqu’un auditeur aborde cette question et affirme que les budgets sont en baisse, elle a beau faire …, reste que les faits sont têtus. Les budgets sont bien en baisse, malgré ce que prétend Mme la ministre qui, ou bien ne connaît pas du tout son dossier, ou bien est de mauvaise foi. S’exclamer trois fois ( !) comme elle le fait dès qu’un auditeur aborde cette question « si j’avais su j’aurais amené mes tableaux de chiffres » relève en tout cas d’une suffisance et d’une négligence que la politique de son patron nous a certes rendues familières, mais dont on ne saurait admettre la pertinence et la légitimité. Sur le site SLU (Sauvons l’Université), on trouve des copies de lettres de divers Présidents d’Université qui se plaignent de la baisse des budgets : la déclaration de l’équipe de direction de l’Université de Caen (12 décembre 2008), la lettre de D. Filâtre, Président de Toulouse le Mirail, à P. Hetzel, directeur général de l’Enseignement supérieur (16 décembre 2008), le communiqué des présidents d’université « en proximité » sur l’allocation de moyens 2009 (12 décembre 2008), etc.

Citons pour montrer que nous, « nous venons avec nos chiffres et nos tableaux », le courrier de la Présidence de Paris 8 (mardi 9 décembre) :
« Chers collègues La direction de l’université Paris 8 a reçu lundi 8 décembre à 20h la notification par le ministère de la dotation 2009 pour l’université.
La globalisation des crédits a conduit à inclure dans le budget des universités des dépenses jusqu’alors directement prises en charge par le ministère. Il est dès lors extrêmement difficile de comparer la dotation 2009 à la dotation 2008.
Pour autant, les premiers calculs montrent que cette dotation ne correspond nullement aux engagements du ministère. Ainsi est-il écrit que Paris 8 bénéficiera de "moyens supplémentaires de 1 310 000 euros, ce qui représentera une première augmentation de 8,3%" par rapport à 2008. Or il est immédiatement précisé que ces moyens incluent entre autres : les crédits du plan réussir en licence (lesquels s’élèveront, selon le même document, à 1 578 000 euros) ; 4 les crédits pour les primes d’encadrement doctoral et de recherche (actuellement 423 701 euros pris en charge par le ministère) ; les crédits correspondant à l’augmentation de l’enveloppe indemnitaire "destinée à promouvoir l’attractivité des carrières". Il n’est pas besoin d’être expert comptable pour constater que l’augmentation de 1.310.000 euros doit servir à financer des dépenses... qui seront supérieures à 2 000 000 euros ! A cela s’ajoute la suppression imposée de douze emplois de fonctionnaires dont six en 2009, et l’imputation des allocations de recherche sur le budget de l’université (plus de 2 000 000 euros également).
Au final, il semble que le budget de l’établissement, présenté comme étant en hausse, subira en fait une diminution conséquente. Nous sommes extrêmement surpris de constater que l’université de Paris 8 est répertoriée parmi les universités sur dotées, alors même que tous les indicateurs témoignent du contraire. Nous sommes également surpris de constater l’application par le ministère de critères de performance qui conduisent à une pareille diminution budgétaire, alors même que l’évaluation de l’établissement est encore en cours et que nos équipes de recherche et notre offre de formation ont bénéficié de bonnes, voire très bonnes, évaluations. En raison de l’insuffisance de nos moyens actuels et compte tenu des charges nouvelles qui grèveront notre budget, se pose naturellement la question de l’accomplissement de nos missions de service public, notamment dans la perspective de la mise en place de la nouvelle offre de formation. Face à cette situation d’une gravité extrême, nous convoquons en urgence jeudi 11 décembre à 14h 00 l’assemblée des trois conseils. La direction de l’université »

Nous soulignons les points suivants :
1) Les universités se plaignent systématiquement du nouveau calcul du budget qui, comme le disait ceManif_19_fevrier_paris matin l’auditeur Hervé, d’Orléans, à propos du budget de l’Université dans laquelle il travaille, peut faire croire que le budget est en hausse. Ce n’est toutefois pas le cas, contrairement à ce qu’affirmait Mme Pécresse – la version audiovisuelle, sur le site de France Inter, est beaucoup plus drôle : on y voir la mine et les gestes d’indignation qui accompagnent la première occurrence de « j’aurais dû venir avec mon tableau synoptique des budgets de chaque université ».

2) Les universités soulignent que, comme le remarquait à nouveau Hervé, d’Orléans, face à Mme Pécresse, le plan « Réussite Licence », qui, cette année universitaire 2008-2009, a été mis en place en étant directement financé par le ministère, sera à partir de l’année universitaire prochaine (2009-2010) financé par les universités et doit donc être comptabilisé dans le budget ! Il faut ici nous arrêter sur le moment où Hervé, d’Orléans, développe cette idée, pour mettre en lumière la manière proprement scandaleuse dont Mme Pécresse, pourtant reine autoproclamée du dialogue (« ma porte est toujours ouverte »), tourne, tord et déforme ce que dit Hervé.

Lorsque celui-ci souligne que, cette année, le plan licence n’est pas payé par le budget de l’Université, ce qui en revanche sera le cas l’an prochain, et que si on retire le plan licence et l’entretien des bâtiments il ne reste plus grand-chose du budget, Mme Pécresse rétorque : « vous dites que si on enlève le plan licence et la mise en sécurité des bâtiments, il n’y a plus d’augmentation [du budget] ; mais attendez, le plan licence, c’est un plan qui est là pour permettre à tous les étudiants de réussir leur études ». Mais Hervé ne dit pas ça, il n’a pas dit le contraire, mais simplement il parle d’autre chose – une autre chose que Mme Pécresse, manifestement, ne veut pas entendre, lui prêtant avec une mauvaise foi manifeste une idée qu’il n’a jamais exprimée ! Hervé dit simplement que, cette année, le plan licence n’était pas payé par le budget de l’université, il ne veut pas nuire aux étudiants et supprimer le plan licence !

3) Les universités soulignent les suppressions d’emplois – suppressions d’emplois qui, contrairement encore à ce qu’affirmait ce matin Mme Pécresse (« on ne supprime aucun poste d’enseignant chercheur »), touchent les enseignants chercheurs : « C’est plus de 200 suppressions d’emplois (enseignants-chercheurs, enseignants, personnels biatoss) qui sont affichées sur l’ensemble des universités, avec, dans certains cas, une amplification des sousdotations constatées ces dernières années (par exemple, l’université Paul Valéry de Montpellier perd 6 emplois, alors qu’elle était classée 70ème sur 84 dans les dotations globales en postes les plus favorables). Ces diminutions d’emplois semblent toucher en particulier les universités du secteur Lettres, Langues, Arts, Sciences Humaines et Sociales (Grenoble 3, Lille 3, Paris 3 …). » (Communiqué du SNESup du 9 décembre 2008).

Par exemple, la déclaration de la direction de l’université de Caen du 12 décembre 2008 évoque elle « la suppression d’emplois, tant d’enseignants-chercheurs que de personnels administratifs, techniciens et de santé, qui tous contribuent à la qualité de l’encadrement des étudiants et à celle de leurs conditions d’études et de vie ». On pourrait multiplier les exemples… Tout le monde peut consulter ces lettres et ces communiqués, qui figurent en accès libre sur le net, et s’apercevoir que Mme Pécresse ment quand elle dit que les budgets sont augmentation (« tous les budgets des universités augmentent de plus de 10% cette année en budget de fonctionnement »). Bref, si Mme Pécresse veut discuter des chiffres, tableaux en main, c’est quand elle veut et où elle veut. Qu’elle puisse affirmer avec un ton offensé (et une mine effarouchée dans la vidéo) « sur la question des moyens, le procès fait au gouvernement est un faux procès » est tout simplement un scandale de la raison.

IV. La transformation du capes en master

On notera que, dans cet entretien consacré aux problèmes de l’enseignement supérieur, il n’est jamaisManif017 question de la réforme du doctorat (le nouveau contrat doctoral) : Mme Pécresse n’y a même pas fait allusion. Elle a en revanche évoqué la question dite de la « mastérisation » du capes. Outre que « c’est une bonne réforme ; et tout le monde le dit », Mme Pécresse a atteint le degré extrême de mauvaise foi (ou de charlatanerie) à propos des nouvelles modalités du concours. Elle n’a nullement évoqué les questions techniques de la fabrication d’un master qu’on impose aux universités à moyen constant, donc sans leur donner ne serait-ce qu’une heure supplémentaire de cours. Elle n’a nullement évoqué la question étrange d’un capes qui est à la fois un diplôme (donc un master qu’on obtient au bout de cinq ans), mais aussi un concours qu’on passe la cinquième année (deuxième année après la licence de trois ans). Et si on n’a pas le concours (ce qui sera le cas de la majeure partie des candidats), mais seulement le diplôme, on fait quoi, et on devient quoi, sinon un précaire que les lycées pourront employer sans les titulariser ? Avant, lorsqu’on réussissait au concours du capes, on avait une année de stage accompagné dans un lycée, avec un horaire réduit d’enseignement.
Avec les nouvelles dispositions, tout cela disparaît : dès la première année, l’enseignant est jeté dans les classes avec un horaire complet d’enseignement, sans aucun accompagnement. Il faut rappeler que la question du stage n’était nullement dans le projet originaire, et que, suite aux pressions des universitaires, le ministère vient d’insérer à la vavite quelques bribes d’apprentissage dont les modalités sont encore confuses, au cours de la cinquième année d’études. Reste que, pour celui qui a le concours, il n’y a nul stage en classe. Le stage d’un an devant des élèves, si formateur pour le jeune enseignant, est supprimé. Voilà ce que l’auditeur Eric, de Tours, fait remarquer à Mme Pécresse. Celle-ci répond : « j’ajoute qu’une fois recrutés ils [les candidats] auront un stage d’un an, puisqu’on est forcément fonctionnaire stagiaire quand on est recruté dans l’enseignement comme dans la fonction publique ». Mme Pécresse joue – délibérément ou par ignorance ? – sur l’ambiguïté du mot « stage », mais ce n’est pas de cela, c’est-à-dire du statut de tout fonctionnaire stagiaire avant 6 titularisation, que parlait Eric ! Mais bel et bien du stage de formation, de l’année au cours de laquelle l’enseignant débutant apprend son métier : années d’apprentissage qui disparaît corps et âme dans cette réforme.

V. Le statut des biatoss et la question de l’externalisation.

Il y a des remarques qui montrent que Mme Pécresse ne connaît pas son dossier et qui, surtout, font mal, pour autant qu’elles témoignent d’un immense mépris. Nous reprenons dans ce qui suit les termes de notre collègue M. Dressen. Mme Pécresse a précisé que les biatoss étaient des administratifs (les personnels des bibliothèques sont carrément passé à la trappe). Nos collègues techniciens, ingénieurs, ouvriers de service et personnels de la santé et des services sociaux apprécieront d’être ainsi réduits à une catégorie et à un « métier », certes respectable, mais qui n’est pas le leur. Voilà qui nous renvoie à un problème dont il fut question à ce moment-là. M

me Pécresse a évoqué l’abandon du gardiennage ou de l’entretien (ménage, maintenance des bâtiments) des universités (là où ce n’est pas complètement fait), ce qui relèverait du « bon sens » : « ce n’est pas au coeur des missions de l’université ». Or il s'agit d'une rhétorique manageriale qui nous vient tout droit des Etats-Unis via les entreprises privées. Il s’agit bien d’un discours de légitimation de la précarisation et de la sortie du statut de la fonction publique de collègues situés au bas de la pyramide sociale. Ce que la ministre ne dit pas, c’est que les services de scolarité par exemple ou les secrétariats d’UFR sont aussi touchés par la sortie du statut de la fonction publique d’un nombre croissant de collègues. Le coup des jardiniers n’est qu’un artifice pour cacher la forêt et cette forêt est inacceptable : la précarisation d’un nombre croissant de biatoss, notamment.

On peut voir une illustration du caractère rhétorique des propos de Mme Pécresse dans les évolutions des entreprises privées. Ainsi, Air France a externalisé ou sous-traité des tas d’activité sous le prétexte qu’elles ne correspondaient pas à son métier de base, mais elle s’apprête à faire rouler des TGV avec Virgin… Il est illusoire de s’imaginer que seuls les catégorie C sont et seront concernés par cette logique de précarisation, ce qui est pourtant ce que prétendait Mme Pécresse sur France Inter le 24 février au matin. Nombre de catégories B et A sont aussi sur des contrats précaires, précaires de manière si permanente d’ailleurs que le Code du travail interdit ce type de pratiques dans le secteur privé (où l’on ne peut légalement enfiler indéfiniment les CDD). Afficher une volonté de réduire les catégories C, comme le fait Mme Pécresse, est surtout une entreprise de division des biatoss. Il s’agit entre autres de répandre l’illusion chez les B et les A que le sacrifice des C leur offrira de meilleures carrières et de meilleurs salaires. C’est d’ailleurs ce que Mme Pécresse dit clairement. Ne nous imaginons pas que les enseignants (chercheurs ou non) pourraient échapper à cette logique…

On le comprend : Mme Pécresse, ce matin, a été pitoyable. L’évaluation de son discours ne peut qu’être très, très mauvaise. Son exposé n’a rien clarifié mais tout obscurci, elle ne sait absolument pas répondre aux questions qu’on lui pose et que, d’une manière tragiquement autiste, elle ne veut pas entendre. La prestation de Mme Pécresse est terriblement en deçà de l’enjeu et de son importance cruciale. Face à tant d’incompétence, d’approximations, de demi-vérités et de véritables mensonges, eu égard aux qualités qu’on est en droit d’exiger d’un Ministre de la République, notre avis, en tant qu’experts des questions traitées par Mme Pécresse, est très défavorable. En effet, de deux choses l’une : soit Mme Pécresse est incompétente et ne connaît pas son dossier (« si j’avais su j’aurais amené mes tableaux »), soit elle est de mauvaise foi, ce qui est sans doute pire : car cette mauvaise foi est alors un refus, de fait, du dialogue que pourtant elle prétend instaurer avec nous. Bref, la prestation de Mme Pécresse est si pitoyable que nous demandons sa démission.

Fait à Grenoble, le 24 février 2009 Les experts.

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