***On ne s'attaque pas sans risque au "mille-feuille de l'organisation territoriale" française. Face à cet objectif que lui avait fixé Nicolas Sarkozy, le comité présidé par l'ancien premier ministre Edouard Balladur (UMP) vient d'en faire l'expérience.
Le rapport adopté par le comité mercredi 25 février et qui devrait être remis officiellement le 5 mars au président de la République, situe d'emblée la difficulté de l'exercice : "L'administration du territoire est, en France, une question éminemment politique". Ce qui a conduit le comité à faire preuve de retenue. Ceux qui attendaient un "big bang" devront patienter.
Alors que la commission Attali sur la croissance préconisait la suppression d'un échelon territorial, en l'occurrence le département, le comité Balladur est plus circonspect. Qu'il s'agisse de la diminution du nombre de collectivités, de l'attribution des compétences, de la réforme des finances, "aucun scénario de réforme ne s'impose par lui-même, avec la force de l'évidence", reconnaissent les auteurs.
Certaines des vingt propositions retenues dans ce rapport de 132 pages ont pourtant provoqué une levée de bouclier.
Le comité suggère des transformations majeures : la réduction du nombre de régions, même si les modalités de regroupement et de découpage ont été assouplies ; un système d'élection des élus régionaux et départementaux avec la suppression des cantons ; la reconnaissance de "métropoles" de plein exercice avec des conseillers et exécutifs élus au suffrage direct ; une répartition des fonctions entre les différentes collectivités ; des pistes de remplacement de la taxe professionnelle...
Seize propositions ont été adoptées à la quasi unanimité des onze membres, avec quelques abstentions, dont celles de l'éditorialiste Jacques Julliard et des universitaires Jean-Claude Casanova et Michel Verpeaux. Mais quatre propositions majeures ont été rejetées par les deux représentants de la gauche. Pierre Mauroy, sénateur (PS) du Nord, ancien premier ministre, et André Vallini, député (PS) et président du conseil général de l'Isère se sont opposés au mode d'élection des nouveaux conseillers départementaux dans les conseils régionaux et départementaux, ainsi qu'à l'organisation des nouvelles métropoles, la répartition des compétences entre les collectivités et le Grand Paris.
Si le département n'est pas supprimé, ses pouvoirs sont restreints, notamment dans les métropoles, où il doit s'effacer ; y compris dans le domaine de l'action sociale, qui est pourtant une de ses missions principales de "proximité et de solidarité".
A l'inverse, les régions et les regroupements de communes sont encouragés. Pour la gauche, le nouveau système d'élection des conseillers départementaux marque toutefois un affaiblissement des politiques régionales. Bertrand Delanoë, maire (PS) de Paris, a pris la défense des quatre départements de la petite couronne de l'Ile-de-France, que le comité propose de supprimer au profit de la création d'une collectivité du Grand Paris. "Les départements, estime le maire de la capitale, sont efficaces dans les politiques de proximité". "Alors que l'intercommunalité est encouragée partout en France, pourquoi vouloir la casser en Ile-de-France ?", s'est-il interrogé mercredi dans un communiqué.
Lors d'une conférence de presse, Martine Aubry, première secrétaire du PS a de nouveau dénoncé une entreprise menée "dans un but strictement politicien" et réclamé une clarification, non entre les collectivités entre elles, mais dans leurs rapports avec l'Etat.
Les 20 propositions du comité Balladur sont loin d'entrer en vigueur. Le 5 mars, M. Sarkozy devrait indiquer ce qu'il entend retenir du rapport. Selon Alain Marleix, le secrétaire d'Etat aux collectivités locales, "une phase de concertation avec les élus" s'ouvrira ensuite, avant la présentation au Sénat, d'une "loi-cadre sans doute dès l'automne". Toute révision constitutionnelle a été écartée, faute de majorité suffisante dans un congrès composé de députés et de sénateurs eux mêmes élus locaux.
Le secrétariat d'Etat aux collectivités locales a élaboré plusieurs scénarios de refonte de la carte des cantons, en mesurant l'impact des nouveaux mécanismes de représentation, notamment dans les zones rurales. Bercy reste muet sur le remplacement de la taxe professionnelle. Unanimes, les présidents des neuf associations de maires ont réclamé, mardi, une vraie réforme des finances locales.
A un an des élections régionales, l'échéance de mise en oeuvre de la future loi, d'ici à 2014, apparaît lointaine. Au vu des oppositions et des craintes, il semble que le "consensus" souhaité par le chef de l'Etat avant d'engager tout processus de réforme soit loin d'être atteint.
Michel Delberghe et Béatrice Jérôme
Le Monde
27.02.09.
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