***Comme avant chaque rendez-vous électoral, Nicolas Sarkozy devrait enfiler ses habits de chef de parti. Malgré les récriminations de l'opposition, le président de la République est attendu, samedi 28 novembre, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), au conseil national de l'UMP, grande messe de lancement de la campagne des régionales de mars 2010.
Officiellement, le parti célébrera la présentation de ses têtes de liste et les grands enjeux du sommet climatique de Copenhague, prévu le 7 décembre. Le lancement de la campagne n'interviendra qu'en janvier. Le chef de l'Etat avait déjà participé au coup d'envoi des élections européennes de juin. A la Mutualité en janvier 2009, Nicolas Sarkozy avait intronisé le même jour Xavier Bertrand à la direction du parti pour remplacer Patrick Devedjian jugé trop peu efficace.
Dix mois après son accession au poste de secrétaire général, Xavier Bertrand n'a pas réussi de miracle. Les adhésions ne décollent pas. Le parti majoritaire n'est pas dans une situation très différente de celle du Parti socialiste. Les fourchettes basses évoquent le chiffre de 190 000, voire 200 000 adhérents. La direction, elle, affirme comptabiliser 240 000 adhérents.
Quels que soient les chiffres, on est très loin des 370 000 adhérents de décembre 2007, acquis lorsque Nicolas Sarkozy présidait le parti à la veille de l'élection présidentielle, et des 500 000 promis par Xavier Bertrand pour 2012. La révolution Internet et le lancement du réseau social annoncé pour la mi-octobre censé décupler les forces du mouvement n'ont toujours pas vu le jour. Après s'être promu précurseur de la Toile dans la foulée de Barack Obama, l'UMP risque bien d'être le dernier parti à organiser un réseau.
Le récent Congrès des maires de France et les sifflements réservés au premier ministre n'ont guère été appréciés à l'Elysée, comme à Matignon. "Je ne savais pas qu'il était dans mes attributions d'organiser le congrès des maires", se défend Xavier Bertrand
Avec ironie, son prédécesseur, Patrick Devedjian, qui avait été sacrifié pour cause de mauvais résultats, a demandé que soient comparés les bilans. "A mon départ, il y avait 270 000 adhérents", a souligné le ministre de la relance. M. Devedjian ne s'est pas privé de railler la visite de son successeur en Chine en octobre et le protocole signé par l'UMP avec le PC chinois.
Le chef de l'Etat continue de penser que le choix de Patrick Devedjian à la tête de l'UMP était une erreur. "Il n'aimait pas ça, ne s'en occupait pas", a-t-il confié à quelques journalistes début novembre. A l'inverse, Xavier Bertrand a montré de l'appétit, en commençant par quitter son ministère des affaires sociales pour se consacrer pleinement à la vie de l'UMP.
Quand Patrick Devedjian passait l'essentiel de son temps au conseil général des Hauts-de-Seine, le nouveau secrétaire général du parti s'est montré chaque jour présent, rue la Boétie, effectuant chaque semaine au moins un déplacement dans les fédérations de province, pour motiver les cadres et rencontrer les militants. Mais le paysage n'a pas fondamentalement évolué. Corseté par l'Elysée, le secrétaire général de l'UMP a peu de marges de manoeuvre.
Xavier Bertrand balaie les critiques. Les adhésions ? "Je m'engage à publier les fiches fiscales des 240 000 adhérents." La Chine ? "J'ai reçu vingt mails ! La vérité, c'est que l'UMP est aujourd'hui tourné vers l'international." Internet ? "Tout est prêt, j'attends la bonne fenêtre de tir." "Mon bilan, plaide-t-il, c'est que nous avons gagné les européennes, renoué avec les conventions thématiques, lancé des chantiers, changé un tiers des secrétaires départementaux. Le parti est désormais sur le terrain des idées. Il y aura, avant 2012, des réformes inspirées par l'UMP."
Le secrétaire général de l'UMP feint d'ignorer les polémiques et ses adversaires. Ils sont pourtant nombreux, notamment au gouvernement. Il y a ceux qui lui reprochent ses "peaux de banane". "Il n'a de cesse de vouloir tuer tous les représentants de sa génération susceptibles de le concurrencer un jour. Il a fait le vide autour de lui", dit un ministre. Et ceux qui ironisent sur son rôle de "zélé collaborateur" de Nicolas Sarkozy. "Son problème fondamental, c'est que c'est Nicolas Sarkozy qui reste le seul patron. Bertrand ne peut pas exister. L'UMP, c'est une machine très lourde, il faut tout faire valider par le chef", analyse un autre.
Le parti a beau afficher, comme lors de l'université d'été à Seignosse (Landes), sa belle unité, il n'échappe pas à la rivalité des hommes. Chaque semaine, à l'Assemblée nationale, la réunion du groupe est le théâtre de la compétition entre Xavier Bertrand et Jean-François Copé, patron des députés.
Ce dernier, qui fait prospérer partout ses clubs Génération France.fr, en parallèle des fédérations UMP, entend bien incarner à côté d'un parti "godillot" l'expression du débat et ne cesse de souligner leur différence. "Lui a un parcours de nommé, il est le plus protégé de la majorité, moi on ne m'a rien donné, j'ai un parcours d'élu", répète le député-maire de Meaux.
"Faux, rétorque Xavier Bertrand. J'ai bien compris que mon poste était le plus exposé. Je n'ai pas choisi la facilité, j'ai plutôt l'impression d'emprunter la face nord de l'Everest." Dans son ascension, Xavier Bertrand sait qu'il devra franchir avec succès la barrière des régionales, s'il ne veut pas connaître le même sort que Patrick Devedjian...
Sophie Landrin
Le Monde
29.11.09
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