Wednesday, November 18, 2009

*Jean-Paul Huchon : « Que l’on revienne à notre plan de mobilisation des transports pour l’Ile-de-France ! »...*

***Grégoire Favet : Les transports sont l'un des enjeux majeurs du projet du Grand Paris. Est-ce que vous comprenez que l'on ait du mal, que le Francilien ait du mal à comprendre ce que l'on met dans ce Grand Paris ? On a l'impression que ce projet, politique au départ, se résume aujourd'hui à un dossier administratif...
Jean-Paul Huchon : Je le comprends, je pense que les gens ne comprennent pas grand-chose à ce qui se passe, parce qu'au fond on a mis la charrue avant les bœufs, c'est-à-dire que l'on a envisagé un projet d'aménagement général pour une grande métropole avec des villes différentes, des villes plus vertes, avec un grand schéma de transports collectifs, avec une priorité au logement -et au logement social- et, tout d'un coup, ça débouche sur un texte totalement technocratique dans lequel on crée une nouvelle instance pour s'occuper des transports pour réaliser une boucle autour de l'Ile-de-France, banlieue à banlieue, mais seulement dans des zones économiques reliées et pas du tout là où les gens sont.

Là où les gens sont, c'est ce que l'on appelle « l'arc express », c'est-à-dire une rocade à 6, 8 ou 10 kilomètres de Paris qui permettrait de relier des zones très urbanisées qui sont aujourd'hui mal desservies. C'est ce que nous avions proposé. C'est d'ailleurs compatible avec le projet de Christian Blanc [secrétaire d'Etat chargé du Développement de la région capitale, ndlr], le problème c'est qu'il faut commencer par ça, parce que c'est le plus urgent. Quant à réaliser la grande boucle de 160 kilomètres autour de Paris, c'est une affaire dont même Gilles Carrez, qui n'est pas un ami politique mais qui est un homme plein de sérieux, dit qu'elle ne se réalisera pas avant 2035.
Pour les gens qui ont connu la galère du RER cette semaine, est-ce que 2035 est la bonne date pour améliorer les transports, j'en doute. Je crois qu'il faut commencer par améliorer l'existant, le RER, la ligne 13 et, bien entendu, les rocades raisonnables autour de Paris. Il faut bien sûr changer le matériel qui est obsolète, plus de 40, parfois 50 ans d'âge, c'est la raison pour laquelle le 12 décembre vous verrez rouler le nouveau train, le Francilien, que nous avons intégralement financé avec la SNCF.

Souhaitez-vous revenir aux ambitions initiales du Grand Paris ?

Je veux que l'on revienne à notre plan de mobilisation des transports pour la région, qui avait été reconnu, validé par tous les conseils généraux, y compris ceux qui ne sont pas de ma majorité politique, qui avait été validé par tous les maires, également par Nicolas Sarkozy, qui avait dit que c'est ce qu'il fallait d'abord faire.
Curieusement, Christian Blanc est arrivé avec un projet complètement contradictoire, assez pharaonique, qui ne pourra se faire qu'au prix d'une violation de la démocratie locale, en particulier parce qu'on va préempter des terrains autour des gares dans un rayon de 1,5 kilomètre, ce qui représente 35.000 hectares, soit trois fois la surface de Paris. Vous imaginez les maires et les habitants qui vont se trouver avec des projets d'urbanisme qui vont leur être imposés contre leur volonté, alors que nous essayons de concerter les projets que nous faisons.

Vous demandez à l'Etat, qui va mettre un paquet d'argent sur la table pour ce projet, qu'il n'ait pas de droit de regard, qu'il laisse faire les collectivités ?

D'abord la loi, c'est la région qui aménage l'Ile-de-France. Nous avons fait un schéma d'aménagement que l'Etat continue à garder au frigidaire sans le valider.

Vous avez demandé à François Fillon qu'il l'approuve ?

J'ai signalé à François Fillon que ça fait maintenant un an que l'on attend qu'ils approuvent le schéma qui a été validé par tout le monde, par le Gouvernement, y compris par 19 commissaires enquêteurs, à l'unanimité, parce qu'il y a eu une enquête sur la totalité de l'Ile-de-France. Nous demandons que ce schéma soit mis en œuvre. Il ne l'est pas, résultat : on fonctionne avec un vieux schéma d'aménagement de 1994. Vous imaginez bien qu'aujourd'hui, en 2009, beaucoup de choses ont changé.

Si la ligne de front de la campagne des régionales porte sur le Grand Paris, le débat risque d'être compliqué vu que personne ne comprend...

Oui, mais parce qu'il y a aussi des gens qui l'ont compliqué à plaisir et qui ont voulu en faire une sorte d'aménagement régalien de l'Etat, alors que les collectivités locales représentent aujourd'hui 75 % de l'investissement public. Avec la taxe professionnelle que l'on est en train de nous enlever pour la remplacer par des dotations de l'Etat sans aucune garantie, nous n'avons plus aucune autonomie fiscale : quand je dépense 1 euro, je peux décider de 0,09 euro. C'est complètement contradictoire avec la libre administration des collectivités locales et avec la légitimité des élus locaux.

Sur la taxe professionnelle, et de la réforme territoriale, il y a une sorte d'union sacrée entre les élus locaux, au-delà des clivages ?

Ce ne sont pas seulement les élus locaux, les citoyens aussi, parce qu'il y ait notamment question de retirer des compétences et des actions aux régions comme aux départements. Mais si aujourd'hui on retire la culture ou la santé de la compétence des régions, ça veut dire que personne ne fera plus rien dans les maisons de retraite, qu'il n'y aura plus de subventions pour les spectacles, etc., ce sont les citoyens et les associations qui en pâtiront.

Mais n'y a-t-il pas des compétences à retirer, sur les aéroports par exemple ?

Je devrais être le président des communautés aéroportuaires (Orly et Roissy), et bien jamais l'Etat n'a pris le décret d'application, je suis toujours l'arme au pied, sans pouvoir agir.

Vous faites confiance aux parlementaires sur la réforme de la taxe professionnelle ?

Je fais confiance au Sénat, parce que je crois qu'il va essayer de rétablir une véritable loi de la démocratie locale. Le fond de l'affaire, c'est la réforme électorale, ce Gouvernement s'apercevant qu'il ne peut pas gagner avec un scrutin à deux tours a tout simplement décidé de supprimer le deuxième tour de manière à avoir des « majorités minoritaires » dans toutes les collectivités locales.
Le résultat, c'est que bien sûr il n'y aura plus de contre-pouvoir, il n'y aura plus de collectivités locales libres, il y aura un UMP partout. Je crois que c'est ça la vraie raison de cette réforme, et c'est triste de voir que sur un sujet aussi sérieux et important que l'aménagement du territoire, les transports, le logement... tout ce qui intéresse les Franciliens directement dans leur vie quotidienne soit soumis à un médiocre processus politicien.

On a appris avec surprise qu'un bon nombre de collectivités publiques s'étaient fourvoyées dans ces fameux emprunts toxiques. C'est Claude Bartolone qui a levé le lièvre... Vous disiez qu'en Ile-de-France vous n'aviez pas d'emprunts toxiques, ça veut bien dire que les collectivités locales publiques avaient les moyens d'éviter ces écueils...

En effet, nous n'en avons pas en Ile-de-France. Je ne crois pas qu'il y en ait à Paris, ni en région Provence-Côte-d'Azur ni ailleurs, parce que nous avons été très méfiants à l'égard de ces produits dits structurés ou dérivés. Je pense qu'il faudrait presque interdire aux banques de proposer ce type de produits parce que les élus ou fonctionnaires locaux ne sont pas des traders, des golden boys. On a mis les collectivités locales en très grand danger.
C'est grave pour un département pauvre comme la Seine-Saint-Denis, il aura le plus grand mal à boucler son budget. Je sais que ça discute avec les banques mais elles n'ont pas l'air décidées à faire un mouvement. C'est quand même très curieux, parce que ces banques ont reçu beaucoup d'argent de l'Etat, en particulier Nexia.

La rédaction - Le Grand Journal
Grégoire Favet - BFM,
le 16/11/2009

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