Tuesday, March 17, 2009

***SALON DU LIVRE : "LE MEXIQUE RACONTÉ PAR SES ÉCRIVAINS"... ***


***Le Salon du livre, qui se tient du 13 au 18 mars à Paris, a comme invité d'honneur le Mexique. Pendant toute la durée de cet événement, nous vous proposons de découvrir chaque jour le texte d'un écrivain mexicain. Aujourd'hui une tribune du grand romancier Carlos Fuentes.

Du "petit rhume" dont parlait le ministre des Finances Agustín Carstens, nous sommes passés à la "pneumonie" que le président Felipe Calderón va tenter, sinon de guérir, du moins de décrire en cette année 2009*.

C'est une immense chance à saisir. L'étendue et la profondeur de la crise nous permettent, à nous Mexicains, de repenser nos projets de développement à la lumière crue de la réalité. On voit se dissiper de grandes illusions, des écrans d'optimisme travestissant la vérité, des solutions partielles pour un ensemble de problèmes que l'on ne peut plus occulter aujourd'hui.
La récession qui frappe les Etats-Unis aura une incidence sur le marché du travail. Les portes des Etats-Unis se fermeront plus encore aux travailleurs mexicains. Ceux qui sont déjà là-bas tenteront d'y rester et seront en butte à l'hostilité de ceux qui comme eux cherchent des emplois de plus en plus rares. Jusqu'où devra descendre le salaire ou la rémunération des migrants mexicains aux Etats-Unis, quand des millions de travailleurs américains perdent leur emploi et n'en trouvent pas de nouveau ?

Assistera-t-on à un retour massif de travailleurs au Mexique ? Et combien d'entre eux n'émigreront plus et rechercheront un emploi ici ? Ajoutons à ce problème un contexte général de baisse des recettes du pays. Les touristes viendront moins. Le prix du pétrole restera proche des 40 à 50 dollars le baril. Le crédit et les investissements se contracteront. Nous serons plus que jamais le partenaire mineur de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). La population s'accroît et, avec elle, la demande de travail, d'éducation, de santé.
La crise, dit un célèbre proverbe chinois, est un risque, mais aussi une chance. Et, pour le Mexique, c'est l'occasion de remettre la maison en ordre. Comment ? Nous avons de la main-d'œuvre en abondance. Il nous manque des projets pour l'employer de manière satisfaisante.

Un nouveau contrat social mexicain offrirait à des millions de jeunes la perspective de travailler à des projets qui moderniseraient radicalement le pays. Les voies de communication, par exemple. La carte du réseau routier témoigne d'une mentalité centralisatrice : tout converge vers Mexico. Pourquoi ne pas tracer dans tout le pays de grands axes transversaux, de Tampico à Mazatlán, de Coatzacoalcos à Acapulco, de Mérida à Oaxaca ? Pourquoi ne pas créer des routes côtières modernes qui nous permettent d'aller de Mexicali à Tapachula et de Matamoros à Veracruz et Mérida, sans devoir passer par Mexico ?

Et pourquoi ne pas en finir avec la dichotomie Nord-Sud qui s'est établie au fil du temps, avec un Nord dynamique et métis, et un Sud attardé et indien ? Le Sud n'a-t-il pas ce qui manque au Nord, à savoir des pluies abondantes ? L'Etat de Tabasco [dans le Sud-Est] reçoit plus de la moitié des précipitations du Mexique. N'avons-nous pas là les conditions pour combler l'autre carence méridionale – le manque de travail – et, en alliant la pluie et le travail, pour faire du sud du Mexique le "jardin de l'Amérique du Nord", produisant des fruits et des légumes toute l'année, au lieu de petites étendues destinées à une modeste agriculture de subsistance ?
Et, surtout, il faudrait un projet de modernisation de l'enseignement qui offre douze années de préparation à nos jeunes afin qu'ils s'insèrent dans l'économie nationale et même mondiale. Enseignants mieux formés, meilleurs manuels scolaires, plus grande pénétration de l'enseignement audiovisuel, participation accrue des communautés au pro-cessus éducatif, plus grande exigence des citoyens dans ce domaine : voilà ce dont notre pays a besoin.
Je ne cache pas que tous et chacun de ces programmes vont se heurter à la menace que représentent le crime organisé, le narcotrafic et l'insuffisance des forces de l'ordre (parfois dominées et infiltrées par ceux-là mêmes qu'elles combattent). Je crois toutefois que le grand remède à ces maux consiste non seulement à épurer et à réorganiser la justice et ses bras exécuteurs, mais aussi à priver les gangs criminels de leurs bases opérationnelles par une densification des voies de communication, des perspectives d'emploi pour les jeunes et une meilleure qualité de l'éducation.

Il y a des époques, disait Hegel, où le droit public s'impose face au droit privé. Si nous vivons l'une de ces époques, alors notre défi consiste à allier le droit privé à l'effort public de rénovation du pays. Il faut parler. Il faut débattre. Il faut proposer. Parce que, comme l'écrit la grande historienne espagnole Carmen Iglesias, "les hommes peuvent résister à n'importe quel comment du moment qu'ils ont un pourquoi".

* "Lorsque les Etats-Unis s'enrhument, le Mexique attrape une pneumonie", dit un célèbre dicton mexicain. En février 2008, le ministre des Finances avait estimé que la crise américaine produirait tout juste un petit rhume au Mexique. Son diagnostic s'est révélé depuis exagérément optimiste.

**L'auteur
Né à Mexico en 1959, Enrique Serna est à la fois romancier, essayiste et chroniqueur. Il a, dit-il, été influencé par les récits fantastiques de Wells, Lovecraft et Poe, et a découvert dès l'adolescence sa vocation littéraire. "Chez Enrique Serna cohabitent deux écrivains : celui qui peut rester au sommet de la colline à regarder ses personnages passer et celui qui se met dans les entrailles des histoires et y participe ouvertement." Cette phrase de son confrère Ignacio Solares résume bien sa démarche. On peut lire de lui en français le recueil de nouvelles Amours d'occasion(Atelier du gué, 2004), le roman noir La peur des bêtes(Seuil, coll. "Points", 2007) et Quand je serai roi, son premier roman, qui vient de paraître aux éditions Métailié.

*La suite :
http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=95613

Courrier International

***LA FRANCE & LE MEXIQUE! : Relations bilatérales***
http://parisinternational.blogspot.com/2009/02/la-france-le-mexique-relations.html

Bien à vous,

Morgane BRAVO

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