Wednesday, March 18, 2009

*Gare aux statistiques ethniques...!*

***La proposition du commissaire à la Diversité, Yazid Sabeg, d'autoriser les statistiques ethniques, ne semble pas faire l'unanimité ! Son initiative partait pourtant du constat partagé que les discriminations ethniques sont fort répandues en France et de l'idée simple que, pour lutter contre des discriminations, il faut pouvoir les mesurer. Le plus frappant est pourtant que les plus réticents sont les plus vifs avocats de l'égalité des chances. Ainsi en est-il, par exemple, de SOS Racisme ou du président du Haut Conseil à l'intégration qui se sont déclarés très hostiles à cette initiative.

Comment s'explique ce paradoxe ? Il s'explique par ce que les spécialistes de la logique appellent savamment une contradiction performative. Une telle contradiction consiste à formuler une proposition qui, par le fait même qu'elle est énoncée, va produire l'effet inverse de celui qui est recherché. En effet, ce que redoutent de nombreuses instances ou associations qui luttent pour l'égalité républicaine, c'est que le fait même de classer les individus selon leur origine ethnique aggrave leur sentiment d'extériorité à la République. On a d'ailleurs vu aux Etats-Unis, avant que les « discriminations positives » fondées sur les origines ethniques refluent, des phénomènes de ce type. Ainsi, par exemple, des minorités ethniques d'origine asiatique ont exigé d'être distinguées de la catégorie « Asiatiques » afin de recevoir un traitement encore plus particulier que la moyenne des Asiatiques ! C'est la preuve qu'on ne peut pas espérer faire progresser un sentiment d'appartenance générale en commençant par classer les individus selon des critères ethniques particuliers. Si l'on dit aux Noirs que l'on va les compter comme des Noirs, le risque est immense, d'une part, qu'ils se pensent eux-mêmes comme des Noirs, y compris ceux qui, jusqu'à présent, se pensaient d'abord comme des Français et, d'autre part, que les autres communautés les regardent ainsi alors qu'ils les voyaient jusqu'alors comme des collègues de bureau ou des voisins de palier.

A ce très redoutable risque de la proposition de M. Sabeg s'ajoute un sérieux obstacle juridique. En 2007, le Conseil constitutionnel a décidé que les traitements statistiques qui reposeraient sur l'origine ethnique ou la race seraient contraires à l'article 1er de la Constitution. Compte tenu de ces contraintes, parions que la copie de M. Sabeg sera attentivement relue avant d'être adoptée par le gouvernement.

LA CHRONIQUE DE FAVILLA
Les Echos
18/03/09

No comments: