Wednesday, October 14, 2009

*Prince : "J'aime être le premier et le dernier à faire quelque chose"...*


***Après deux concerts donnés au Grand Palais, dimanche 11 octobre, à Paris (Le Monde du 13 octobre), Prince dit s'être endormi à l'aube en regardant le DVD de French Kiss, une comédie romantique avec Meg Ryan et Kevin Kline (1995). Lundi 12 octobre, vers 13 h 30, le chanteur, guitariste et producteur américain, 51 ans, reçoit pourtant dans le salon chinois de l'Hôtel Costes, dans le 1er arrondissement de Paris. Chapeau andalou noir et lunettes de soleil comme un masque, une redingote mauve épousant son buste fin, la star stylisée marche en s'appuyant sur une canne argentée (il semble souffrir d'un problème de hanche, boitillement remarqué par de nombreux spectateurs lors des concerts au Grand Palais). Avant une petite conférence de presse, Prince accorde au Monde vingt minutes d'un de ses très rares entretiens, à condition de ne pas l'enregistrer mais de prendre des notes. Il est souriant et presque affable.

Avez-vous apprécié vos concerts au Grand Palais ?

J'ai pris encore plus de plaisir au second concert. J'avais assisté au défilé Chanel (mardi 6 octobre), j'avais remarqué que les applaudissements et les vibrations du son semblaient monter le long de la verrière et redescendre sur vous. Je me suis mis à imaginer ce que donnerait un concert dans ce lieu. Lily Allen jouait au défilé Chanel. Je me suis dit que si Lily Allen donnait un concert, pourquoi pas moi ?

Depuis plusieurs années, vous cultivez l'art du concert surprise ou dans des cadres exceptionnels...

Je préfère désormais ces formes de concert à la tournée traditionnelle, qui ne me tente plus. J'aime être le premier et le dernier à faire quelque chose. Quand j'ai joué à Londres, en 2007, à la O2 Arena, j'ai demandé aux producteurs quel avait été le nombre record de spectacles joués à la suite dans leur salle. Ils m'ont répondu six. J'ai dit alors que je voulais en faire vingt et un. Pendant deux semaines, ils me l'ont refusé, personne n'y était resté aussi longtemps. Tous les concerts ont finalement été complets. Depuis, Michael Jackson m'a montré que j'aurais dû aller plus loin (Michael Jackson avait prévu de faire cinquante concerts dans cette salle, pour ce qui devait être son grand retour).

Avez-vous une relation particulière avec la ville de Paris ?

J'ai longtemps eu un appartement avenue Foch, mais trop de fans venaient au milieu de la nuit chanter des chansons que je n'interprète même plus. Paris est une ville très érotique, dans la façon dont ses rues sont disposées. Il y a toujours quelque chose à regarder. Certains monuments, la tour Eiffel ou l'obélisque de la Concorde, sont même clairement des symboles amoureux (rires). Pour moi, Paris est aussi la ville des arts, un symbole contre la tyrannie.

Vous donnez des concerts quand et où bon vous semble, vous publiez des enregistrements à votre convenance par l'intermédiaire de multinationales, de labels indépendants, via la vente par correspondance ou le téléchargement. On a l'impression que vous n'avez jamais été aussi libre comme artiste de scène et de studio. De quand date cette liberté ?

Cette liberté a toujours été là artistiquement. Dans ma façon, par exemple, de m'habiller dès mes débuts de façon étrange, pour ne pas être catalogué à cause de mes vêtements. J'utilisais d'ailleurs plus souvent ma peau que de vrais habits. Par contre, j'ai dû gagner ma liberté économique contre les maisons de disques.

A l'époque de Purple Rain, on m'avançait 1 million de dollars qu'on me reprenait sur les vidéos, la promotion, le packaging, la fabrication... A la fin, la maison de disques disait posséder l'album. Pendant des années, les artistes ont ainsi été arnaqués. Pas étonnant qu'autant aient terminé sans le sou. Il nous fallait céder nos droits à des gens qui n'étaient pour rien dans le processus créatif. Croyez-vous que c'est un patron de label qui inspirait Jimi Hendrix ?

Peut-on assimiler cette démarche à une démarche politique ?

Aux Etats-Unis, les médias sont contrôlés par l'Etat. On ne peut pas remettre l'Etat en question. C'est pour cela qu'il n'y a plus de musique politique depuis Woodstock et la grande époque de la musique soul engagée, née avec le mouvement des droits civiques. J'aurais aimé vivre à cette époque. Je n'ai pas eu cette chance, mais mes disques ont souvent suscité la controverse, en particulier par rapport à mon approche de la sexualité.

Si les artistes gagnent leur liberté, alors on pourra retrouver un nouvel âge d'or de la musique soul. Des gens de l'industrie et des journalistes ont mené une campagne contre moi, m'accusant d'être un rebelle purement égotiste, alors que l'enjeu est beaucoup plus grand. Ils ont aussi dit que je cherchais à m'éloigner du mainstream, alors que je suis en plein dedans. Regardez, mes billets de concert ne se sont jamais vendus aussi rapidement.

Cette liberté a-t-elle un prix ?

Si je suis pour la liberté en toute chose, il faut savoir aussi ne pas aller trop loin. C'est pour cela que j'appartiens aux Témoins de Jéhovah. Ils m'aident à équilibrer ma vie, à lui donner un sens et à avoir une vision du monde.

Lors de vos concerts au Grand Palais, vous avez repris une chanson des Jackson 5, "Shake Your Body to the Ground". C'était une forme d'hommage ?

Ma choriste Elisa Dease a le même timbre que Michael quand il était jeune. Et une bonne chanson reste une bonne chanson.

Qu'avez-vous ressenti à la mort de Michael Jackson ?

(Prince, visiblement, ne veut pas s'étendre sur le sujet.) On est toujours triste de perdre quelqu'un qu'on a aimé.

Propos recueillis par Stéphane Davet
Le Monde
15.10.09

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