***"La France est diverse. Il faut le vivre comme une chance." Alors que la majorité parlementaire gronde contre l'ampleur de la dette, contre la réforme des collectivités territoriales, contre la création de la taxe carbone, le président du groupe UMP de l'Assemblée nationale, Jean-François Copé, prend du champ. Pour lui, le grand défi, c'est l'identité française. Un thème mal traité "depuis trente ans" qui conduit à l'échec de l'intégration et au délitement silencieux de la nation. Il est temps, dit-il, de proposer "une nouvelle définition des valeurs de la droite".
Au Parlement, on sent la droite inquiète. Y a-t-il un risque de rupture avec Nicolas Sarkozy ?
Le débat, ce n'est pas la rupture. Il est normal et sain que la majorité s'exprime librement. C'est Nicolas Sarkozy lui-même, par son dynamisme et sa franchise, qui nous y incite. Quant à notre électorat, le seul marqueur, en dehors des sondages d'opinion, ce sont les élections partielles, et on s'en sort plutôt bien.
Vous n'avez pas été choqué par l'affaire Frédéric Mitterrand ?
Si quelque chose m'a choqué, c'est d'abord l'attitude du PS, qui a embrayé sur les attaques sordides du FN. Frédéric Mitterrand s'est expliqué. Il m'a profondément ému, et j'ai trouvé qu'il avait fait preuve de beaucoup de dignité.
L'ouverture n'est-elle pas de moins en moins bien acceptée par la majorité ?
En soi, l'ouverture est une idée très moderne, mais on a un peu épuisé le vivier, c'est vrai. Il ne faut pas chercher à ouvrir toujours plus. Il faut passer à une nouvelle étape et prendre les socialistes au mot. Ils disent vouloir privilégier l'intérêt général ? Je leur propose de travailler avec la majorité sur des sujets d'intérêt national mais en restant dans leur famille politique. La taxe carbone, la décentralisation, les retraites : bienvenue au club !
Vous êtes resté étonnamment silencieux à propos de la promotion de Jean Sarkozy à la tête de l'EPAD, alors que beaucoup d'élus de droite ont été choqués.
Au contraire ! J'ai, dès lundi, rappelé qu'il était élu, et donc légitime. Je l'ai fait d'autant plus volontiers que je trouve ces attaques personnelles ignobles... Et d'autant plus librement que, lui, ne m'a jamais ménagé dans ses propos. Je ne vais pas changer d'avis.
Existe-t-il des gens qui osent dire non à Nicolas Sarkozy ?
Drôle de question ! C'est Gérard Longuet et moi qui avons déclenché le signal d'alarme sur la taxe professionnelle. Résultat : nous sommes en train de réécrire une partie de ce texte. Voilà un exemple de coproduction législative. La coproduction, ce n'est plus un débat, c'est un fait.
L'accumulation des difficultés correspond-elle à ce que M. Sarkozy appelle la "malédiction des deux ans" ou révèle-t-elle une fragilité plus profonde ?
Je n'appellerais pas cela une malédiction. Mais nous sommes à un moment-clé du quinquennat. La totalité des chantiers sur lesquels nous nous étions engagés ont été ouverts. Il faut fixer la suite, trouver une réflexion, un message de fond en proposant une nouvelle définition de ce que sont les valeurs de la droite française. Lorsque j'avais 30 ans, j'étais dans une logique de droite très classique, qui croit à la famille, au travail, à la performance. J'ai profondément évolué. Ces valeurs ne suffisent plus à définir ce que je pense. Face à la multiplication des suicides au travail, on voit bien que le "travailler plus" doit être complété par le "travailler mieux".
Mais le premier défi, celui qui sera le plus structurant, c'est la question de l'identité française. La nation se fissure en silence parce qu'il n'y a pas de discours sur l'identité. Ce thème, tel qu'il avait été traité en 2007, doit être profondément renouvelé et retravaillé.
Parce que le FN pourrait se le réapproprier ?
Il s'en est nourri, car, depuis vingt ou trente ans, nous avons commis collectivement l'erreur de ne pas expliquer ce que cela veut dire être français aujourd'hui. On a eu peur. On a nié l'évolution sociologique de notre population, sur le plan de sa composition, de ses origines, de ses pratiques religieuses, de ses modes de vie. Pendant ce temps, la société française a continué à bouger et à se développer sans repères.
La population issue de l'immigration de la seconde moitié du XXe siècle, qui en est maintenant à sa troisième génération, n'a toujours pas reçu les codes d'accès. Cela a conduit à un malentendu croissant au sein d'une population composée de gens qui sont tous français mais qui, parce qu'ils n'ont pas eu les repères nécessaires, ne se parlent pas, ne s'écoutent pas, ne se respectent pas. L'insuffisance du dialogue interreligieux en est un exemple.
Il existe depuis 2007 un ministère de l'intégration et de l'identité nationale. Il a échoué ?
C'est l'échec de trente années de politiques en ce domaine.
Comment réussir l'intégration ?
Il faut que l'on positive le fait d'être une population aussi diverse que l'est devenue la nôtre, qu'on le vive comme une chance. Que l'on arrête de vouloir faire croire à nos enfants que nos ancêtres étaient tous des Gaulois. Ce qui compte, c'est que chaque Français, quelles que soient sa date d'arrivée en France, son origine ou sa religion, a de la valeur et apporte ce qu'il a de mieux pour notre pays. Un exemple : au lycée, on peut choisir en option de très nombreuses langues, mais il est quasi impossible d'apprendre l'arabe, alors que cela pourrait être un fantastique atout économique. Résultat, ce sont des intégristes dans des caves qui s'en chargent.
Pourquoi réclamez-vous une loi sur le port de la burqa ?
La burqa, ce sont des intégristes qui veulent tester la République. Si on ne fait rien, on va laisser se banaliser un phénomène qui est contraire à nos principes. La réflexion sur l'identité française est indissociable de celle sur la place des femmes dans la société. Avec mes collègues députés, nous prendrons dans les semaines qui viennent des initiatives fortes sur ce sujet, notamment pour favoriser leur promotion dans le monde économique. Notre discours doit être adossé sur deux mots : humanité et rassemblement. Nicolas Sarkozy a une formule pour caractériser les Français : "Ils sont monarchistes et régicides." Il a raison, mais c'est une lecture de la société qui se réfère à 1793. Depuis, il y a eu des vagues d'immigration, et je ne suis pas sûr que 1793 reste pour les Français la référence.
C'est une critique radicale du sarkozysme ?
Non, c'est le résultat d'un cheminement personnel et intellectuel. Je passe du temps sur le terrain. Je vois ce qui s'y passe. La France bouge à grande vitesse. Les Français doivent être plus ouverts aux idées des autres et plus ouverts au monde. On ne peut pas prétendre entrer de plain-pied dans la mondialisation, aspirer à comprendre les autres pays, s'inspirer de leurs bonnes pratiques si on ne parle pas correctement l'anglais.
Vous évoquez l'intégration, mais ce qui préoccupe la droite aujourd'hui, c'est l'accumulation des déficits.
La dette sera effectivement l'un des grands sujets des prochaines échéances électorales. Les Français sont profondément angoissés à l'idée que ce soient leurs enfants qui aient à payer pour ce stock de dettes. La fausse bonne idée serait d'augmenter les impôts. Les deux bonnes pistes consistent à réduire les dépenses publiques inutiles, les gaspillages, et à inventer une nouvelle croissance. Le développement durable sera notre salut.
Le bouclier fiscal est-il encore défendable ?
C'est un marqueur du quinquennat. Je le défends bec et ongles. On ne pourra y toucher que si, dans le même temps, on supprime l'impôt sur la fortune ou si on revoit la fiscalité du patrimoine. Le bouclier fiscal est un outil de compétitivité fiscale.
Françoise Fressoz et Patrick Roger
Le Monde
18.10.09
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