Sunday, October 18, 2009

***Jean Sarkozy fait face...***


***Le fils du chef de l'Etat devrait accéder le 4 décembre à la tête de l'Epad, le quartier d'affaires des Hauts-de-Seine. Récit d'une prise de pouvoir très contestée.

Le journal régional de France 3 Ile-de-France plutôt que le « 20 heures » de TF1. Une interview au quotidien gratuit des Parisiens et des banlieusards Metro plutôt que la une de Paris Match. Jean Sarkozy a délibérément choisi une stratégie médiatique « profil bas » pour faire face à la tempête médiatique qu'a déclenchée sa probable accession, le 4 décembre, à la tête de l'Etablissement public d'aménagement de la Défense (Epad) - le grand quartier d'affaires des Hauts-de-Seine. Mais aussi pour jouer à l'élu local de base afin de faire oublier qu'il est le fils du président de la République. Pas question pour le jeune conseiller général du canton de Neuilly-sud d'en rajouter au moment où médias nationaux et internationaux titrent sur «l'héritier», «le fils à papa» et se moquent d'une France comparée à une «république bananière».

Toute la semaine, le « prince Jean », comme l'ont surnommé ses détracteurs, a donc affronté la tempête. Avec son visage juvénile et cette paire de lunettes qui lui donne un air si sérieux, il s'est défendu pied à pied. Sans jamais se départir de son calme. Cela ne l'a pas empêché de téléphoner «dix fois par jour» à son parrain Brice Hortefeux pour trouver du réconfort. «Il est affectivement éprouvé mais politiquement déterminé», confie le ministre de l'Intérieur. Pour le reste, Jean Sarkozy se réfugie chez lui auprès de sa jeune épouse Jessica, enceinte de six mois. «Quand l'orage se lève, il ne faut pas compter les gouttes», répond-il à ses amis qui lui demandent comment il fait pour résister à la pression.

En réalité, Jean Sarkozy s'était parfaitement préparé à cette opération - même s'il n'avait pas imaginé que la polémique qui suivrait aurait les honneurs de la télévision chinoise ! A 23 ans, le deuxième fils de Nicolas Sarkozy n'a déjà plus rien d'un bleu. S'il manque de diplôme, il ne manque pas de culot. Ni de sens politique. «Il y a une évidence génétique. Jean fait de la politique comme les petits-fils de De Gaulle, la fille de Le Pen ou la fille de Jacques Delors», s'exclame Isabelle Balkany, sa marraine dans le département des Hauts-de-Seine. «Le petit a fait ses preuves», renchérit Charles Pasqua, qui l'adore.

Il connaît ses dossiers sur le bout des ongles

L'offensive sur l'Etablissement public d'aménagement de la Défense ne s'est pas faite à la hussarde. A bonne école, le patron du groupe UMP au conseil général des Hauts-de-Seine mijotait son coup depuis quatre mois. Tout a commencé le 22 juillet dernier. Ce jour-là, Patrick Devedjian, ministre de la Relance, président du conseil général et président de l'Epad, expose dans une interview au Monde ses projets pour le quartier de la Défense. A aucun moment, Devedjian ne signale qu'à 65 ans (il les a eus le 26 août) il a atteint la limite d'âge pour ce type de fonction. Au passage, Devedjian annonce qu'il compte se représenter à la présidence du conseil général en 2011. «Une provocation !», hurle-t-on à l'Elysée et à Nanterre. «On va lui donner une petite fessée», lâche un ami de Jean Sarkozy.

Début septembre, André Santini se charge de faire fuiter dans la presse que Jean Sarkozy va remplacer Patrick Devedjian à la Défense. Le message est clair : l'Elysée n'accordera à ce dernier aucune dérogation pour se maintenir à la tête de l'Epad. Il ne reste plus qu'à convaincre les conseillers généraux de la majorité de valider la candidature de Jean à la Défense. Entre-temps, Hervé Marseille, vaillant vice-président du conseil général et administrateur de l'Epad, a accepté de démissionner. Pour prix de son sacrifice, l'Elysée l'a fait nommer à la fin de l'été au Conseil économique et social. En attendant une place au Sénat en 2011.

Jeudi 8 octobre, à l'hôtel du département, au sein du groupe UMP du conseil général, «l'affaire est pliée en cinq minutes. On n'a même pas eu besoin de passer au vote à bulletins secrets», raconte Isabelle Balkany. «On a choisi Jean parce qu'il est le plus légitime et le meilleur, confie celle que Jean Sarkozy appelle parfois « tata » Isabelle. Avec la règle du non-cumul, il n'y a plus, au conseil général, que des quatrièmes couteaux», justifie-t-elle en faisant le panégyrique de son protégé, qui devrait être confirmé dans son poste d'administrateur de l'Epad le 23 octobre, à l'issue d'un vote de tous les élus de l'assemblée départementale. «Ce n'est pas de notre faute si Jean inspire la sympathie et Devedjian provoque l'antipathie», balance Patrick Balkany. S'il n'a pas encore sa licence de droit, Jean Sarkozy connaît ses dossiers sur le bout des ongles. Celui qui a connu en moins de deux ans une ascension irrésistible bluffe une fois de plus ses pairs. Comme il a bluffé son père, qui était plus que réticent à sa candidature aux cantonales. En plein psychodrame à Neuilly, il aura fallu qu'Hortefeux et les Balkany insistent auprès du Président pour le convaincre de laisser sa chance à Jean.

Depuis, le benjamin du conseil général force sa chance et profite aussi de l'ascendant politique que lui procure son patronyme pour accélérer sa carrière. Un de ses supporters au conseil général calcule : «La stratégie n'est pas sans risque ni pour lui, ni pour son père. Mais la polémique d'aujourd'hui rendra plus simple sa candidature à la présidence de l'assemblée départementale en 2011.» Avant de viser les législatives l'année suivante.

BRUNO JEUDY
Le Figaro
16/10/2009

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