Saturday, January 24, 2009

*Roger Karoutchi : fait son coming out*

***Attablé dans son bureau devant une assiette de fruits rouges, Roger Karoutchi cherche encore les mots pour le dire. A 15 heures, vendredi 23 janvier, le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement se résout enfin à appeler l'AFP : "Je ne suis ni dans la dissimulation ni dans l'ostentation. Je le dis de manière naturelle : j'ai un compagnon, et je suis heureux avec lui. Comme je suis heureux, je ne vois pas pourquoi il faudrait que je cache mon homosexualité".

M. Karoutchi avait prévu d'évoquer pour la première fois le sujet sur TF1, dimanche soir, dans l'émission "7 à 8". Mais son "plan média" a été bousculé par la parution anticipée, samedi, d'un entretien qu'il avait accordé au magazine L'Optimum.

C'est la première fois qu'un ministre en exercice met sur la place publique cette part de sa vie privée. Une démarche quasi inédite à droite. En 2000, Jean-Luc Roméro, ex-conseiller (UMP) régional d'Ile-de-France, avait fait l'objet d'un outing de la part d'un magazine. A gauche, Bertrand Delanoë avait révélé son homosexualité en novembre 1998, alors qu'il était candidat à la Mairie de Paris. André Labarrère, maire (PS) de Pau, avait fait de même.

"ARRÊTE LES BÊTISES"

"Si je devais dédier à quelqu'un le fait que j'en parle, ce serait au président de la République", assure au Monde M. Karoutchi. C'est d'ailleurs au travers d'une anecdote mettant en scène M. Sarkozy que M. Karoutchi a choisi de révéler ce pan de son intimité, dans un livre à paraître le 4 février (Mes quatre vérités, Flammarion).

C'était "en 2005", écrit-il. Alors ministre de l'intérieur, M. Sarkozy l'invite à passer deux jours dans la villa qu'il a louée au Pyla-sur-Mer (Gironde). " Naturellement, Roger, tu arrêtes les bêtises et tu viens avec ton ami", lui lance-t-il "devant une dizaine de personnes". "J'ai cru tomber de ma chaise", poursuit M. Karoutchi. "Depuis des années, Nicolas Sarkozy "savait", et je savais qu'il "savait", mais nous n'en parlions pas ouvertement", précise-t-il dans son livre. M. Karoutchi confie aujourd'hui qu'il a discuté avec M. Sarkozy de son coming out. "Tu décides d'en parler, tu es mon ami. Tu décides de ne pas en parler, tu le restes !", lui aurait dit le chef de l'Etat à l'automne.

Président du groupe Majorité présidentielle au conseil régional d'Ile-de-France, M. Karoutchi dispute à Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur, la place de chef de file de l'UMP pour les régionales de 2010.

Des primaires internes doivent être organisées, en mars, pour les départager. C'est dans ce contexte que M. Karoutchi révèle son homosexualité. "Je le fais, dit-il, pour qu'il n'y ait plus ni sous-entendus ni manoeuvres à ce sujet et que je puisse défendre à fond mon projet pour la région Ile-de-France."

En août, M. Karoutchi avait considéré comme une attaque implicite contre son homosexualité un propos de Mme Pécresse. Interrogée par Le Figaro sur ce qui "distingue" sa candidature de celle de M. Karoutchi, elle avait précisé être "une mère de famille avec trois jeunes enfants". Son rival avait alors hésité à faire son coming out.

"Il y a un droit à l'indifférence pour les hommes politiques sur leur vie privée", a déclaré Mme Pécresse, vendredi. "On doit pouvoir faire de la politique sans que ce soit ni un handicap ni quelque chose de difficile à assumer", a ajouté la ministre.

Aujourd'hui compréhensif vis-à-vis de l'"ami" Karoutchi, M. Sarkozy s'était montré plus critique à l'égard de M. Delanoë. En 2001, dans son livre Libre (Robert Laffont), le maire de Neuilly s'interrogeait en ces termes : "Quelle mouche a bien pu piquer Bertrand Delanoë de vouloir à tout prix révéler son homosexualité au motif de sa candidature à la Mairie de Paris ? (...) Dois-je à mon tour confesser mon "hétérosexualité" pour être considéré ?"

Béatrice Jérôme
Le Monde
25.01.09.

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