***MICHEL GODET* - «Mettre de l'eau sur les plantes qui poussent»
La priorité, à mes yeux, n'est pas tant de trouver de nouveaux projets nationaux dans lesquels investir que d'aider concrètement ceux qui marchent déjà. Il faut se promener avec un arrosoir et mettre de l'eau sur les plantes qui poussent naturellement ! Si on veut développer l'activité et l'emploi, il est notamment essentiel de partir des initiatives locales pour les mutualiser et organiser la contagion des bonnes pratiques dans les territoires. C'est déjà ce que fait le Centre national de l'entrepreneuriat, un institut du Cnam. Les petits ruisseaux font de grandes rivières (mais fallait-il pour cela ce grand emprunt, qui fera peser un fardeau de plus sur les générations futures ?). Quelques idées simples à mettre en œuvre, aussi, en vrac. Faisons de la santé une vraie priorité, en consacrant davantage de fonds à la prévention (5 % seulement des dépenses de santé, aujourd'hui). Et cessons de faire la quête pour la lutte contre le cancer. Si c'est important, que la collectivité la prenne plus sérieusement en charge ! Autre suggestion : rouvrons les internats de province pour les jeunes des quartiers en difficulté. Et investissons massivement dans la formation technique et professionnelle de notre jeunesse. Il faut revaloriser les métiers manuels. La France va avoir besoin d'électriciens, de plombiers, de professionnels de la construction durable (isolation, énergie solaire...). Donnons-leur un coup de pouce ! Autre piste : l'instauration d'une prime à la mobilité doublée d'une exonération de droits de mutation pour ceux qui déménagent loin de chez eux dans le but de décrocher un emploi. Il y a 75 000 offres d'emplois qui ne sont pas satisfaites dans la métallurgie, faute de main-d'œuvre locale !
*Professeur au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), auteur du Courage du bon sens, Odile Jacob, 2009.
PAUL ANDREU*- « Repenser l'aménagement »
Cet argent doit unifier, réunir et rendre les gens solidaires. Il doit permettre de libérer l'action individuelle de manière collective. Ainsi, un effort concentré sur l'aménagement du territoire me semble essentiel. En zone urbaine, un investissement massif sur les communications permettrait de libérer des populations prisonnières de transports vieillissants ou mal desservies. En zone rurale, l'équilibre entre agriculture et paysages doit constituer la priorité dans un cadre collectif. Car tout se tient: de l'harmonie entre agriculture et paysages dépend la cohérence du tissu rural, des villes et du territoire tout entier.
*Architecte.
MAURICE LÉVY* - «Bâtir le Grand Paris»
Il faut mettre en œuvre le Grand Paris ! C'est un grand et beau projet, un défi même si l'on veut que Paris continue d'être une ville phare aux yeux de tous, alors que la compétition entre les « villes monde » est plus vive que jamais. Bâtir la grande métropole de demain, c'est aussi relancer l'économie de la capitale, la croissance française et l'emploi. C'est une vraie priorité nationale, de nature à entraîner l'industrie et le bâtiment, mais aussi à améliorer la qualité de vie de tous, y compris en banlieue. Je pense aussi aux générations futures : Paris doit devenir la Cité du développement durable.
*Président du directoire de Publicis Groupe.
JEAN-PAUL BETBÈZE* - «Avant tout, que ces projets soient rentables »
Il est nécessaire que les rendements attendus des différents investissements soient supérieurs au coût de l'emprunt. Car la logique n'est pas celle d'un emprunt qui financerait des projets, mais bel et bien de programmes rentables que la communauté nationale décide de financer par l'emprunt. Dans cette perspective, les calculs et hypothèses sont essentiels qui doivent non seulement évaluer les résultats attendus projet par projet, mais également établir des projections en prenant en compte les interactions entre ces investissements. Sur cette base, les choix retenus - nouvelles technologies de traitement de l'information, éducation, écologie, logistique, agriculture, santé au premier rang - doivent aboutir notamment à la triple mobilisation des entreprises, des lieux de recherche et des territoires.
*Jean-Paul Betbèze, chef économiste de Crédit AgricoleSA.
PIERRE KOSCIUSKO-MORIZET* - «Rendre internet accessible à tous»
En France, 60 % des foyers sont connectés à internet, dont une large part en haut débit. Ce chiffre, souvent présenté comme un exploit, situe pourtant notre pays loin derrière l'Allemagne (75 %), la Grande-Bretagne (80 %) ou encore les pays du nord de l'Europe (85 %). L'une des priorités que je suggère au gouvernement, dans l'idée de relancer l'économie française et de bâtir l'avenir, serait de rendre internet accessible à tous. C'est ce qu'a récemment fait la Corée, d'une façon très déterminée. Résultat : la plupart des foyers coréens sont aujourd'hui connectés au haut débit ! Pour parvenir à de tels résultats, il faudrait agir, en France, sur les prix de connexion (ils sont toutefois déjà relativement bas), mais aussi favoriser l'équipement des ménages les plus défavorisés en ordinateurs. L'investissement à réaliser est important (plusieurs milliards d'euros), sans doute délicat à « prioriser » en période de crise, mais il sera rentable d'ici à dix ans. Ce n'est pas compliqué. Il suffit juste de mettre l'argent sur la table. C'est le moment de le faire, alors que le numérique s'impose plus que jamais dans l'esprit du grand public comme un enjeu sociétal et national. Un enjeu en matière d'information, de pouvoir d'achat (on peut acheter moins cher sur le net), d'emplois, de communication et même de désenclavement. Comment trouver un emploi, de nos jours, lorsque l'on vit dans une zone isolée, et que l'on n'a pas accès à internet ? N'hésitons pas : c'est le moment d'agir.
*Chef d'entreprise, cocréateur du site de vente en ligne Price Minister.
JEAN-PIERRE CLAMADIEU* - «Développer tous azimuts les technologies vertes»
La lutte contre le changement climati que, c'est la grande priorité. Le défi est considérable. Pour les seules infrastructures, les besoins se comptent en dizaines de milliards d'euros. Pas question évidemment que l'Etat finance, seul, un tel programme. Mais l'emprunt actuel pourrait être le déclencheur de l'incontournable mutation qui nous attend tous vers une société verte. Cela suppose un développement tous azimuts des technologies permettant la conception de voitures propres jusqu'au stockage ou à la destruction du CO2, la mise en place de nouveaux process industriels, le développement des énergies alternatives (notamment le solaire, qui accuse un certain retard), l'isolation thermique des bâtiments, sans oublier l'amélioration et le développement de nos transports publics (réseau ferré, métros, tramways, etc.). Cerise sur le gâteau, ce sont des investissements rentables à terme et qui génèrent des emplois. Une étude a montré que la mise en application du Grenelle de l'environnement créerait à elle seule plusieurs centaines de milliers d'emplois ! Nous avons là un coup formidable à jouer pour prendre une place majeure.
*Président-directeur général de Rhodia, président de la commission développement durable du Medef.
AXEL KAHN* - « Investir dans l'agroalimentaire » -
Il faut porter un effort con centré sur les modes de trans fert entre recherche et activité économique. Nos laboratoires et nos univer sités sont d'une qualité remarquable, mais les retombées sur les entreprises demeurent insuffisantes. Si l'on investit 1 à 2milliards d'euros sur des initiatives partenariales à travers, par exemple, les crédits d'impôt recherche déjà existants, on peut briser la barrière de verre entre les deux mondes. Le préalable est de donner aux doctorants la possibilité d'atteindre les niveaux de direction d'entreprises, réservés aujourd'hui aux grandes écoles. Cet effort massif d'irrigation devrait ainsi aboutir à un décloisonnement radical de la recherche dont nous avons impérativement besoin pour doper la croissance et construire la France de l'après-crise. L'autre axe, celui-ci vertical, consiste à privilégier un secteur d'excellence. J'investirais massivement sur le secteur agroalimentaire, dont la qualité et la puissance sont reconnues d'un bout à l'autre de la planète. Et qui régénère tout notre territoire sans risque de délocalisation.
*Médecin généticien, président de l'université Paris-Descartes.
PR PIERRE CORVOL* - «Des millions d'euros pour la recherche»
Dotons la recherche des moyens de relever les grands défis de notre siècle. Nous avons la chance d'avoir en France des chercheurs de très grande qualité. Notre réservoir de compétences est magnifique, notamment en physique, en mathématiques, en biologie... Mais cette recherche effectuée en amont peine à passer le cap de l'application. Faute d'argent. Quand on veut valider un concept, démontrer que l'hypothèse sur laquelle on travaille a une application clinique ou thérapeutique concrète, que tel procédé d'imagerie peut être efficace, il arrive un moment où il faut mettre, à chaque fois, plusieurs millions d'euros sur la table. Apporter les fonds nécessaires à la recherche, tout en favorisant un meilleur couplage entre celle-ci et l'industrie, est une priorité de grande envergure, y compris sur le plan économique et en termes d'emploi. Chaque découverte génère en effet des retombées colossales. Il reste encore de gigantesques progrès à faire, notamment dans le traitement des maladies neurodégénératives ou l'éradication des maladies infectieuses, par exemple. Il faut mener le combat sur tous les fronts.
*Membre de l'Académie des sciences, administrateur du Collège de France.
Ghislain de Montalembert et Marc Durin-Valois
Le Figaro
03/07/2009
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