Wednesday, June 24, 2009

*Un gouvernement Fillon IV taillé sur mesure pour Sarkozy II ...*

***Le secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant, avait annoncé un "ajustement". Nicolas Sarkozy a choisi de réaliser, mardi 23 juin, un remaniement ministériel de grande ampleur.

Le chef de l'Etat a estimé qu'il avait les mains libres au lendemain de son discours de Versailles et dans la foulée de son succès inattendu aux élections européennes. Huit ministres entrent dans l'équipe de François Fillon; huit la quittent; neuf ministres changent de portefeuille. La phase II du quinquennat s'engage. La surprise du chef, c'est la nomination au ministère de la culture de Frédéric Mitterrand, dont le patronyme incarne l'ouverture pour les électeurs de droite ravis de s'encanailler avec la gauche culturelle. Peu importe que le neveu de l'ancien président ait voté Jacques Chirac dès 1995.

Mais le mouvement décisif, c'est le carrousel des poids lourds – Xavier Darcos, Brice Hortefeux, Michèle Alliot-Marie –, décidé à la dernière minute. L'ex-présidente du RPR a été priée de quitter le ministère de l'intérieur. Elle entretenait des relations tendues avec M. Guéant et s'est vu reprocher ses piètres résultats sur la sécurité. Elle remplace Rachida Dati, élue eurodéputée, au ministère de la justice. Avec, en consolation, un titre de ministre d'Etat.

Elle est remplacée par l'ami du président, Brice Hortefeux, qui écope d'une sanction-promotion. Celui qui avait si longtemps rêvé de siéger place Beauvau aura à gérer la police, la fronde attendue des élus à l'occasion de la réforme des collectivités locales et le redécoupage électoral. Il sera le bras armé du chef de l'Etat pour les prochaines batailles électorales, dans un climat plus propice à la défense de la sécurité qu'à la défense des libertés publiques. La sanction, c'est que M. Hortefeux quitte au bout de six mois le ministère du travail, où il avait été nommé peut-être à contre-emploi.

M. Hortefeux a peiné à faire vivre sa relation avec les syndicats, qui préféraient s'entretenir en confiance avec Raymond Soubie, le conseiller social de l'Elysée. "Brice Hortefeux ne sera jamais premier ministre. L'“ami du président” restera à Sarkozy ce que Poniatowski était à Giscard", persifle un proche du président.

Le ministère du travail est confié à Xavier Darcos, qui organisera la réforme des retraites et la consultation censée identifier les chantiers d'avenir, financés par le grand emprunt Sarkozy. Le rond mais conservateur M. Darcos est appelé à incarner le dialogue social, alors que chacun convenait qu'il était urgent de l'exfiltrer de l'éducation nationale… en raison de ses relations dégradées avec les syndicats.

FAUX DUR

D'une manière générale, M. Sarkozy organise son gouvernement en baronnies, censées porter autant de priorités. Jean-Louis Borloo, qui obtient un titre à rallonge, règne sur l'environnement et mènera la négociation de Copenhague sur le climat. Le couple Christine Lagarde et Eric Woerth gère la forteresse Bercy tandis que Bernard Kouchner assoit son emprise sur le quai d'Orsay : il obtient le départ du secrétaire d'Etat aux affaires européennes Bruno Le Maire, dont l'ambition l'agaçait et de Rama Yade. L'ex-French Doctor contestait l'existence de son secrétariat d'Etat aux droits de l'homme et les compétences de l'icône de la diversité, réaffectée aux sports.

Le remaniement révèle l'évolution de la pratique du pouvoir de M. Sarkozy. Jusqu'au bout, il a tu ses intentions. Même ses plus proches n'ont été informés de leur affectation que mardi, parfois par M. Fillon, ostensiblement valorisé. "Nicolas Sarkozy se mitterrandise et c'est bien comme cela", commente un proche.

Le chef de l'Etat, dont on disait qu'il était un faux dur, a remercié sans états d'âmes sept ministres – Michel Barnier partant, lui, volontairement au Parlement européen. Il ne s'est pas laissé fléchir par Christine Boutin qui, après le logement, voulait s'occuper des prisons. il a remercié Yves Jego, responsable de l'outre-mer, à la veille du voyage présidentiel aux Antilles. M. Sarkozy promeut à l'inverse deux "quadras" : Luc Chatel devient ministre de l'éducation nationale et Bruno Le Maire prend en charge l'agriculture, tandis que Benoist Apparu (UMP, Marne), nommé au logement, rejoint à 39 ans la pépinière des jeunes espoirs politiques.

Enfin, à l'approche des élections régionales de mars 2010, le gouvernement prend un petit air de province. Outre M. Le Maire (Haute-Normandie), Valérie Létard (Nord) est promue, Valérie Pécresse, candidate en Ile-de-France, est maintenue.

En nommant ministres les sénateurs Michel Mercier (Rhône), ex-trésorier du MoDem de François Bayrou, et Henri de Raincourt (Yonne), M. Sarkozy honore aussi de manière symétrique les groupes UMP et centristes du Sénat dans une assemblée à la majorité fragile.

Les victimes du remaniement sont la parité (13 femmes pour 25 hommes) et François Fillon qui dirige une équipe renouvelée mais sera privé de déclaration de politique générale.

Arnaud Leparmentier
Le Monde
25.06.09.

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