***Le scrutin du 7 juin ne passionne pas les Français et pourrait enregistrer un nouveau record d'abstention après les 57,2 % des européennes de 2004. L'opposition tente d'en faire un référendum anti-Sarkozy pour mobiliser ses électeurs.
«Surtout on ne parle pas des élections européennes !» Certains élus d'Ile-de-France ont été quelque peu surpris d'entendre cette consigne quand ils ont été invités par Valérie Pécresse à une réunion de préparation des élections régionales. Certes, la convocation n'avait pas pour objectif le scrutin européen, mais il semblait difficile, à moins d'un mois du vote, de passer sous silence ce rendez-vous électoral dans un cénacle réunissant des élus. Cette anecdote résume bien la schizophrénie de la classe politique française : l'enjeu immédiat, ce sont les européennes du 7 juin, mais les principaux acteurs de la vie politique donnent l'impression de ne se concentrer que sur d'autres rendez-vous : les régionales de 2010, quand ce n'est pas la présidentielle de 2012 !
A leur décharge, il faut dire que l'échéance européenne ne passionne pas les Français. La dernière étude d'Ipsos (4 mai) enregistre seulement 44 % de «votants potentiels». Un score qui, s'il se confirmait le 7 juin, serait un record de faible participation à un tel scrutin. Mais confirmerait la tendance enregistrée depuis 1979, date du premier vote européen. En 2004, 57,2 % des Français avaient boudé les urnes.
Il est vrai que rien n'est fait pour les passionner. En divisant la France en huit grandes régions (avec l'Outre-Mer), il n'y a plus véritablement de chef de file capable d'incarner une liste. Du coup radios et télévisions préfèrent inviter le secrétaire général de l'UMP, Xavier Bertrand, le patron du MoDem, François Bayrou, la première secrétaire du PS, Mar tine Aubry, voire le porte-parole du NPA, Olivier Besancenot. Des politiques qui, justement, ne sont pas candidats aux européennes ! Pire, les principaux partis ont composé leurs listes en déplaçant les candidats d'une région à une autre au gré des équilibres politiques internes. C'est ainsi que le socialiste Vincent Peillon, élu en 2004 dans la région Nord-Normandie, s'est retrouvé parachuté dans le grand Sud-Est. Mouvement inverse pour Michel Barnier, élu en 2004 dans le Sud- Est et aujourd'hui à la tête de la liste UMP en Ile-de-France. D'un dispositif censé rapprocher les élus de leurs électeurs, on a abouti à l'exact inverse, les électeurs étant bien souvent incapables de citer les noms de leurs élus européens.
Résultat, dans un sondage Ifop-Paris Match, sur les treize sujets d'actualité dont les Français ont parlé la semaine dernière, le scrutin européen figurait en avant-der nière position, cité par seulement 22 % des personnes interrogées, loin derrière l'épidémie de grippe A, la hausse du chômage et les plans sociaux. Dans cette période de crise financière internationale, les Français ont la tête ailleurs. De retour de leurs circonscriptions en début de semaine, les députés sont unanimes : quasiment aucun de leurs électeurs ne les ont questionnés sur l'enjeu du scrutin européen. Ils sont davantage inquiets de la fermeture d'une usine dans leur région, de l'évolution des prix et des perspectives économiques.
La mobilisation se fait généralement à une semaine du scrutin
Conscients de ces priorités, les médias ne mettent pas la campagne européenne en tête de l'actualité. D'autant que télévisions et radios doivent aussi tenir compte des recommandations du CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) qui exigent un «accès équitable à l'antenne». Si elles parlent d'un candidat, elles sont obligées de mentionner, voire de donner la parole à tous les autres. Onze partis sont en lice, sans compter ceux qui ne se présentent que dans une seule circonscription ! Alors, plutôt que de parler des programmes ou des enjeux, c'est l'anecdote qui fait la une de l'actualité. Invitée à parler d'Europe devant les Jeunes populaires de l'UMP, Rachida Dati, numérodeux sur la liste en Ilede- France, a laissé pantois les plus europhiles de ses soutiens par ses réponses : «L'Europe s'occupe de ce qu'on lui donne à s'occuper avec les personnes qui peuvent porter ses affaires à s'occuper.» Difficile de mobiliser un électorat dans ces conditions.
«Pour les élections européennes, la mobilisation de l'électorat ne se fait traditionnellement qu'une semaine avant le scrutin»,tempère un conseiller proche de Nicolas Sarkozy. A ce stade, le climat à l'Elysée se veut donc serein. Les socialistes comme François Bayrou ont voulu faire de celle-ci un référendum anti-Sarkozy ? Ça tombe bien, le chef de l'Etat n'avait pas l'intention de rester les bras croisés Rue du Faubourg-Saint-Honoré.
Après une réunion publique mardi 5 mai à Nîmes, Nicolas Sarkozy est allé à Berlin dimanche dernier tenir un meeting commun avec Angela Merkel. En une semaine, le Président a fixé les thèmes de la campagne et s'est placé au centre du jeu politique. A l'Elysée on a bien vu que le Président restait le meilleur vecteur de mobilisation de l'électorat UMP. Comme le confirme Edouard Courtial, secrétaire national de l'UMP aux fédérations et député de l'Oise, «je sens notre électorat mobilisé pour répondre aux attaques contre le Président et envoyer un signal». Pour autant, Nicolas Sarkozy ne devrait pas faire d'autres meetings ni intervenir davantage dans la campagne, sauf nécessité absolue. Car il est impératif pour l'UMP d'arriver devant le PS le 7 juin. «Si l'UMP n'est pas en tête, ce sera grave pour l'état de la droite», concède un conseiller du Président, inquiet de la faiblesse des réserves de voix à droite.
L'UMP peut compter sur la division de ses oppositions dont aucune n'arrive à se détacher. Là où Le Pen, Tapie, Pasqua et Villiers avaient su en leur temps jouer les troublefête, aucune formation n'est en mesure de bousculer le paysage politique. Voilà aussi pourquoi, comme le raconte un ministre, «Nicolas Sarkozy est plus intéressé par le résultat des cantonales partielles que par les européennes».Et le canton gagné à la gauche dimanche dernier à Nice a été de ce point de vue une bonne nouvelle, confirmant la bonne tenue électorale de l'UMP, malgré la crise et les mauvais sondages.
Carl Meeus
Le Figaro
15/05/2009
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