Thursday, March 4, 2010

*Le Grand Paris selon Sarkozy...*


***Il n’a pas pu s’en empêcher. Le jour même (mardi) où il recevait à l’Elysée Valérie Pécresse et les candidats franciliens aux régionales pour leur remonter les bretelles et leur demander de faire campagne sur le Grand Paris, Nicolas Sarkozy donnait une interview à la revue L’Architecture Aujourd’hui (AA) sur le thème du… Grand Paris. Un entretien sans grande annonce concrète, où l’on découvre un Président inédit, plus Emmanuel Kant que «Casse-toi pauv’con».

Faut-il courir à la librairie pour acheter AA (25 euros, quand même)? Oui si vous êtes architecte ou intéressé par la vision de la ville du chef de l’Etat. Non si vous voulez savoir à quoi ressemblera le Grand Paris dans lequel vous habiterez demain. Les informations concrètes distillées par Nicolas Sarkozy dans cette interview sont en effet minces. On apprend tout de même qu’«un programme d’achat de logements vacants sera [...] mis en oeuvre prochainement en Ile-de-France» pour tenir l’objectif de construction de 70.000 nouveaux logements par an. Pas plus de détails, si ce n’est que ce sera fait «en partenariat avec les organismes de logement social». Autre mesure: la création prochaine d’un label «Grand Paris» qui sera attribué à tout projet (émanant d’une ville, d’une association, d’un opérateur, etc.) répondant aux critères métropolitains. Pour le reste, il faudra attendre début avril. Nicolas Sarkozy promet de nouvelles annonces lors de l’inauguration de l’Atelier international du Grand Paris, qui regroupe les dix équipes d’architectes ayant planché sur le sujet.

Sarkozy le philosophe
Disséquons ce qui apparaît plus comme un discours d’urbanisme qu’une interview sur un sujet d’actualité. Le chef de l’Etat, souvent dans le registre des déclarations d’intention, s’inscrit dans un temps résolument long. «Je pense qu’un jour on ne parlera plus du Grand Paris. On parlera de Paris, tout simplement. [...] Le jour où il n’y aura plus que des Parisiens, des Parisiens de Montmartre comme des Parisiens de Saint-Ouen, d’Ivry ou de Versailles, nous aurons vraiment fini de faire le Grand Paris. C’est un long chemin.» Avis aux successeurs.

Adoptant la posture du visionnaire, parfois grandiloquent («Le XXe siècle a été celui de la technique, je pense que le XXIe siècle sera celui du vivant»), le président de la République prend au détour d’une référence au film Avatar des accents kantiens: «Ce qui doit gouverner l’action des politiques aujourd’hui, c’est le sens de la mesure, c’est l’union des valeurs morales et esthétiques, le beau, le bon et le juste, c’est la recherche d’une harmonie perdue avec la nature.» Merci Henri Guaino?
Le chef de l’Etat, qu’on ne savait pas si passionné de philosophie, se félicite du travail des dix architectes, qui ont changé nos «cartes mentales». Il rend un hommage appuyé à chacun d’eux (à l’exception notable de Winy Maas, pour qui le Grand Paris doit être un Paris plus petit et plus dense), pour bien leur montrer qu’ils n’ont pas été passés à la trappe. Antoine Grumbach décroche le pompon présidentiel («le travail le plus osé», avec son idée d’un Grand Paris s’étendant jusqu’au Havre).

En finir avec Le Corbusier
La ville selon Nicolas Sarkozy ne doit pas être une «machine à habiter». Il faut bannir «la ville préfabriquée, la ville franchisée avec ses enseignes publicitaires, la ville fonctionnelle sans âme, découpée en zones étanches». Autrement dit, il faut en finir avec l’architecture moderne et l’urbanisme hérités de Le Corbusier, qui ont prévalu dans les années 1950 et 1960 (ici le commerce, là l’habitat, plus loin le travail). Mettre fin à la «dérive pavillonnaire», ne pas avoir peur «de la densité et de la hauteur des constructions». Les tours ne doivent pas être un tabou, il convient simplement de les intégrer dans un ensemble urbain polymorphe.

Le Grand Paris ne se fera pas contre Paris. Le cœur de la métropole doit rester «le petit Paris historique» (Bertrand Delanoë n’a pas apprécié), menacé actuellement par le «syndrome de Venise», qui transformerait la ville centre en «un musée à ciel ouvert, envahi par les touristes mais déserté par ses habitants et ses entreprises». Paris est le moteur, mais la périphérie doit voir émerger de «nouvelles centralités». C’est ce que permettra selon lui le «grand huit» de Christian Blanc, dont le projet de loi attend de passer devant le Sénat début mai. Répondant aux critiques sur ce projet de métro automatique en grande couronne, le chef de l’Etat explique qu’il n’est qu’un début, qu’il «n’épuise pas la question du Grand Paris». Il est seulement un premier pas, qui enclenchera une «dynamique vertueuse» et aura un «effet d’entraînement» pour toute la région.

Très attendu sur la gouvernance de cet ensemble, Nicolas Sarkozy refuse une nouvelle fois de se mouiller, même s’il reconnaît l’utilité de Paris Métropole, syndicat d’études rassemblant certains élus de la région. «Paris Métropole pourrait préfigurer une future assemblée métropolitaine», avance-t-il, avant d’écraser la pédale de frein: «Il vaut mieux prendre le temps de faire mûrir le consensus autour d’une vision partagée [...] avant de révolutionner les institutions.» Fataliste, le Président soupire: «La France est la France»…

Intégrer les banlieues
En attendant de construire le Grand Paris qu’il appelle de ses vœux sans dire comment, Nicolas Sarkozy cite deux projets architecturaux métropolitains. D’abord la Philharmonie de Paris, qui verra le jour dans le bassin de la Villette («en plein centre du Grand Paris!») en 2012. Puis, plus curieusement, le complexe «commercial, culturel, sportif et récréatif» que le groupe Auchan veut installer en banlieue. Le chef de l’Etat dit souhaiter sa construction dans un quartier sous-équipé du nord-est parisien, entre Paris et Roissy, et qu’il devienne le «prototype d’un nouvel urbanisme commercial à visage humain».
Sur la question des banlieues, le chef de l’Etat redit sa détermination à prendre le problème «à bras-le-corps» (comme en 2007, 2008 et 2009). Comment interpréter l’affirmation selon laquelle «il faut les intégrer [les banlieues] comme jadis Paris a intégré les faubourgs»? Est-ce à dire que bientôt Neuilly et Montreuil seront les 21e et 22e arrondissements de la capitale?

Autre déclaration d’intention: «Il faut redistribuer les richesses.» Bientôt une fiscalité commune? Pour le savoir, il faudra là encore attendre début avril. Si, cette fois, le chef de l’Etat veut bien passer de la théorie à l’action.

Jérôme Lefilliâtre,
rédacteur en chef de Megalopolis

Le numéro 1 de Megalopolis est en kiosque depuis le 15 février.

*Image : Le projet de parc départemental de la Courneuve rêvé par le cabinet Castro comme un futur «Central Park».

Slate

4/03/2010

*Le Grand Pari(s) vu par les Franciliens : http://www.slate.fr/story/le-grand-paris-0


***Témoignages d'architectes : L'architecture d'aujou...: http://bit.ly/cwmkQE

Bien à vous,

Morgane BRAVO

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