***La prochaine décennie pourrait marquer le retour des plus de 55 ans. Emmanuel Grimaud, ancien élève de l'Insead (MBA 94D), président du Club Rémunérations et Protection Sociale de l'Insead Alunmni Association France, et président fondateur de Maximis Retraite, dresse un état des lieux de la loi sur l'emploi des seniors et constate que des mesures simples peuvent améliorer son efficacité.
"Il est aisé de constater que depuis quelques années le législateur met l'accent sur le travail et l'employabilité des seniors.Tout d'abord, la loi sur la réforme des retraites de 2003 a augmenté la durée de cotisation pour une retraite à taux plein, et les lois de finances suivantes ont eu pour but de limiter l'usage des préretraites. Celles-ci avaient été abondamment utilisées dans les décennies précédentes, avec une volonté souvent partagée employeurs-syndicats-salariés de faire partir les seniors bien avant l'âge officiel de la retraite.
En 2005, l'introduction de la gestion prévisionnelle des carrières et des compétences (GPEC) avait mis l'accent sur l'anticipation des carrières et en particulier des seniors.
Rien n'y fît, la France gardait le taux d'emploi des seniors le plus bas d'Europe (mais également le taux d'emploi de jeunes le plus bas, de nombreux économistes y voyant une forte corrélation: faire partir les plus âges ne donnent pas de travail aux jeunes, au contraire....).
Fin 2008, le gouvernement avait annoncé les prémices d'un plan. C'est chose faite avec la loi de finances 2009. Celle-ci prévoit l'établissement d'un plan pour les seniors dès le 1 er janvier 2010. A cette date, les employeurs de plus de 50 salariés doivent avoir négocié ou mis en place un plan d'action. Il devra contenir des engagements chiffrés en termes soit de maintien dans l'emploi des travailleurs âgés soit de recrutement des travailleurs âgés. Le plan doit comporter 3 axes parmi un panel de propositions (tutorat,bilan retraite, conditions de travail, anticipation des carrières, formation....).
Pour ceux qui ne respecteraient pas cette règle une pénalité de 1% de la masse salariale est applicable depuis le premier janvier. Même si le gouvernement a annoncé qu'il fera preuve de tolérance, les professionnels craignent que les URSSAF n'appliquent rigoureusement les sanctions.
En fin d'année, le ministre a accordé un délai supplémentaire de 3 mois aux sociétés de moins de 300 employés. Quelques jours après la mise en place effective de la loi, le constat est mitigé.
Dans les grands groupes, les équipes des ressources humaines ont concocté en un temps record les mesures nécessaires pour se mettre en conformité. Pour les PME, beaucoup espèrent pouvoir s'abriter derrière un accord de branche qui leur sera applicable.
Et pourtant, malgré l'urgence, très peu de branches ont signé des accords ou ont donné des recommandations. Les entreprises ne possédant pas de direction des ressources humaines, de syndicats, se retrouvent prises au dépourvu, avec les mêmes obligations que les grands groupes et encourent le risque de payer la pénalité.
Si le bâton est bien visible,peut on en dire autant de la carotte? On ne peut en effet que s'étonner du décalage entre un discours gouvernemental qui se veut volontaire et des textes législatifs qui dressent moult obstacles ou sont clairement démotivants.
Vers un nouveau CDD Senior?
Par exemple, on demande à l'employé qui veut faire un cumul emploi retraite de terminer son contrat de travail et d'en signer un nouveau. Or, avec l'interdiction faite à l'employeur de mettre à la retraite un salarié avant 70 ans, l'employeur est hésitant à signer un nouveau CDI. Le CDD ,rigide, de surcroît limité à 18 mois, n'est pas satisfaisant.
Il suffirait pourtant de re-lifter le CDD senior en ne le limitant plus aux personnes qui ont passé 3 mois au chômage et en le rendant prorogeable autant de fois que le souhaitent les parties pour que le salarié et l'entreprise s'engagent dans une relation équilibrée et durable: gagnant-gagnant. La poignée des CDD seniors signés depuis sa naissance suffisent à démontrer son inadéquation avec les besoins des acteurs du marché.
La possibilité de travailler jusqu'à 70 ans?
Partant d'une bonne intention, cette mesure a surtout l'effet de servir de repoussoir pour les employeurs dans l'embauche des salariés seniors. Alors qu'il avait fallu des années pour supprimer la contribution Delalande qui était un frein à l'embauche, le contrat jusqu'à 70 ans, (utilisé par certains salariés pour obtenir de meilleures indemnités de départ lorsque l'employeur doit se séparer d'eux) pourrait bien reprendre ce rôle.
Le cumul emploi retraite libéralisé?
C'était l'une des grande nouveautés de la réforme des retraites 2008. Las, l'obligation d'avoir son taux plein (excluant les retraités ayant liquidé préalablement à taux minoré ou ceux qui n'ont pas une carrière classique) , de liquider les retraites étrangères (alors qu'elles se liquident à 65 ans dans quasiment toute l'Europe) ou de terminer le contrat de travail (excluant de fait les mandataires sociaux, ou les élus d'associations par exemple) rendent souvent compliquée la mise en place du cumul emploi retraite.
La surcote en faveur d'une activité prolongée?
Devant le peu d'efficacité de la mise en place de la surcote en 2003, la loi a porté celle-ci à 5% par année travaillée. Intéressant? Si l'on considère qu'elle ne s'applique qu'à la retraite de base et donc qu'une année travaillée ne rapporte que 50 euros mensuels de retraite supplémentaire, il ne faut pas s'étonner que nos compatriotes continuent à être nombreux à rêver de faire "valoir leus droits à la retraite". Il suffirait pourtant que les caisses complémentaires (Arrco, AGIRC) appliquent la même surcote pour enfin susciter un intérêt de la part des salariés. Ce serait en plus les mêmes caisses qui y gagneraient par l'encaissement de cotisations additionnelles et le décalage des retraites servies.
Autant de mesures simples mais qui pourraient avoir une efficacité réelle et rapide.
Alors les seniors sans emploi, est-ce une fatalité?
Sûrement pas. D'ailleurs, on voit se dessiner depuis plusieurs années une tendance inverse. Puisque les entreprises ne veulent pas des seniors comme salariés, ceux-ci reviennent par une autre porte en tant que prestataires de services.
Et avec un succès non négligeable, on les voit souvent cumuler l'avantage financier et intellectuel d'avoir une activité, tout en ayant un rythme de travail choisi et une pression moindre.
La pyramide des âges joue en leur faveur, et ceux qui étaient délaissés par leurs entreprises,pourraient bien devenir des acteurs courtisés dans les prochaines années. Leur savoir-faire, leur professionnalisme, leur expérience, leurs réseaux commencent à être considérés comme des atouts et non plus comme des handicaps.
La vitalité des chiffres de création d'entreprise et d'auto-entrepreneurs trouve ici une partie de son explication.
A plus grande échelle, on constate également un léger frémissement. Le taux d'emploi des 55-64 ans a progressé depuis le début de l'année pour atteindre son plus haut niveau (39,1% contre 37,9% un an plus tôt), certes encore loin de nos voisins européens (45,6%) ou des objectifs des accords de Lisbonne (50% en 2010).
La prochaine décennie pourrait donc bien marquer le retour des plus de 55 ans (au fait, à quel âge est-on senior?) sur la scène de l'activité économique, mais il n'est pas certain que cela soit du à la loi sur l'emploi des seniors, tout au moins tant que ses défauts ne seront pas corrigés."
Fondée en 1957, l'Insead est la première école de gestion en Europe pour le niveau MBA et figure parmi les toutes premières mondiales. Chaque année, plus de7000 dirigeants d'entreprises de 75 nationalités différentes y sont formés (1000 MBA, et 9500 en formation continue pour dirigeants). L'Association des anciens élèves de l' Insead en France est la plus ancienne mais aussi une des plus actives de sa communauté mondiale de plus de 37000 Alumni (anciens élèves). Elle regroupe près de 6000 anciens présents dans tous les secteurs: industrie, commerce, services. Chaque année, ses 40 clubs thématiques organisent près de 200 rencontres (séminaires, ateliers, conférences, déjeuners, cocktail...).
Yann Le Galès
Le Figaro Blog
11 janvier 201
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